Le Fonds européen d’investissement vient d’injecter 20 millions d’euros dans Quadrivium 1, le premier fonds d’amorçage académique en France. L’objectif : financer la commercialisation des innovations de rupture issues de laboratoires de recherche.

Les universités françaises s’initient au capital-risque
Les universités américaines collectent depuis belle lurette des capitaux auprès d’investisseurs privés afin de compléter leurs financements. (Crédits : AstraZeneca)

Ce pourrait être l’histoire, somme toute banale, d’un fonds de capital-risque qui voit le Fonds européen d’investissement (FEI) rejoindre la liste de ses souscripteurs. Sauf que Quadrivium 1, dans lequel le FEI – filiale de la Banque européenne d’investissement (BEI) – a annoncé avoir investi 20 millions d’euros, vendredi 29 avril, n’est pas un fonds comme les autres. Spécialisé dans le financement de la R&D, des études de marché et autres dépenses préalables à la création d’une entreprise, Quadrivium 1 est le premier fonds d’amorçage créé par des universités françaises. Au nombre d’une douzaine, celles-ci – parmi lesquelles figurent l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC), les Universités Paris II et Paris IV, le CNRS ou encore le Museum national d’histoire naturelle – avaient porté Quadrivium 1 sur les fonts baptismaux fin 2013, avec un premier « closing » de 35,5 millions d’euros.

Le Fonds national d’amorçage, géré par Bpifrance, avait apporté 20 millions d’euros, la banque Natixis 10 millions, le solde provenant des assureurs CNP Assurances, AG2R La Mondiale, Malakoff-Mederic et du fonds Revital’Emploi. Deux ans et une vingtaine de millions d’euros plus tard, voilà donc Quadrivium 1 doté de quelque 56 millions d’euros, une somme destinée à financer des startups françaises spécialisées dans les sciences du vivant et les technologies digitales, susceptibles de mettre sur le marché de véritables innovations de rupture. Les jeunes pousses en question, qui recevront des tickets unitaires compris entre 500.000 et « quelques millions d’euros », devront être issues de laboratoires de recherche ou être liées au monde académique français.

HorseCom, un casque audio pour les chevaux

C’est le cas d’Actronika et de HorseCom, deux des derniers investissements effectués par Quadrivium 1, qui a injecté un total de 7,2 millions d’euros dans huit projets depuis sa création. Née en 2015 des travaux de Vincent Hayward, chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR), une unité de recherche commune à l’UPMC et au CNRS, Actronika développe et commercialise une technologie offrant le ressenti du toucher dans un environnement virtuel. Un système utilisé par exemple pour le pilotage à distance de drones, nombre de ces aéronefs inhabités disparaissant faute d’éprouver la sensation des trous d’air. Hugo Kajdas, lui, n’est pas un chercheur, mais c’est avec le CNRS, l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM) ou encore l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), que ce diplômé de l’Essec a mis au point un casque audio pour les chevaux.

Oui, vous lisez bien, des écouteurs pour équidés. Hugo Kajdas en a eu l’idée en voyant sa sœur peiner à établir une vraie relation avec sa jument, très stressée, et après avoir lu que la musique classique (notamment Chopin) apaisait les chevaux, des animaux régulièrement angoissés par les actes de maréchalerie et les heures de transport dont ils font l’objet. Baptisés « HorseCom », ces casques (ou bonnets dans le cas des chevaux), qui permettent au cavalier et à sa monture d’écouter de la musique ensemble, ont été validés par les partenaires scientifiques de Hugo Kajdas, après trois années de R&D, et seront commercialisés d’ici un mois, principalement en France et aux Etats-Unis. « Il s’agit d’une première mondiale », assure le jeune inventeur.

Sur la trace des universités américaines

« En apportant aux innovateurs un cadre financier adéquat, Quadrivium 1 permet de commercialiser des produits de recherche qui ont vocation à changer notre vie », approuve Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI, dont la prise de participation dans ce premier fonds d’amorçage académique français s’inscrit dans le cadre du plan Juncker de soutien à l’investissement en Europe. Dans le cas présent, le capital-risque a vocation à prendre le relais des Satt (sociétés d’accélération du transfert de technologies) dans le financement des startups issues de la recherche, une fois l’innovation validée par une preuve de concept et la propriété intellectuelle bien définie. Mais pourquoi le monde académique français ne se lance-t-il que maintenant dans le capital-risque, alors que les universités américaines collectent depuis belle lurette des capitaux auprès d’investisseurs privés afin de compléter leurs financements ?

Certes, la loi sur l’autonomie des universités, qui autorise à créer des fondations pour trouver des financements complémentaires, ne date que de 2007. Mais, surtout, « les laboratoires des universités américaines ont une culture beaucoup plus business, leurs chercheurs suivent des cours d’économie, de gestion », explique Isabelle de Cremoux, présidente du directoire de Seventure Partners, la société de capital-risque à qui les 12 laboratoires de recherche à l’origine de Quadrivium 1 ont délégué la gestion du fonds. Ce dernier a pour mission d’investir dans 15 ou 20 projets sur une période de quatre ans. Après quoi un Quadrivium 2 verra sans doute le jour.

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