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Quelle réponse de l’UE en cas de Brexit ?

L’option d’une sortie du Royaume-Uni ne peut toujours être exclue. Les Européens réfléchissent à une réponse, mais, comme d’habitude, sont fort divisés sur la stratégie à mener.

Alors que le débat sur les conséquences d’une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (« Brexit ») fait rage au Royaume-Uni, le reste de l’UE commence à s’interroger sur la conduite à tenir en cas d’un vote favorable au divorce le 23 juin prochain. Cette option n’est pas à écarter. Les sondages disponibles restent contradictoires selon qu’ils sont réalisés en ligne ou par téléphone.

Dans le dernier cas, le camp pro-UE affiche une large avance, mais dans le second cas, les partisans du Brexit font jeu égal avec leurs adversaires et parfois les dépassent même. Ainsi, le sondage en ligne Yougov des 23 et 24 mai place les deux camps à égalité (44 % chacun), tandis que celui de BMG des 20 à 25 mai (en ligne aussi), donne 45 % au Brexit et 44 % au maintien dans l’UE. A l’inverse, le sondage par téléphone de Survation du 24 mai, accorde une avance de six points au maintien dans l’UE (44 % contre 38 %). Dans tous les cas, la proportion d’indécis demeure importante (de 10 à 18 points) et ce sont sans doute ces indécis qui auront in fine, le dernier mot.

Risque pour l’UE

La possibilité d’une décision du peuple britannique d’activer l’article 50 du traité de l’UE pour quitter l’ensemble européen ne peut donc être exclue. Et, comme le rapporte le Financial Times de ce vendredi 27 mai, les dirigeants européens semblent entamer des discussions pour tracer les lignes d’une UE sans le Royaume-Uni. Le FT indique que lors de récentes rencontres, les dirigeants européens ont échafaudé des stratégies. Problème : les divisions accompagnent déjà ces premières discussions.

Si les Britanniques choisissent le Brexit, ce sera la première utilisation du fameux article 50 si cher à tous ceux qui veulent en finir avec l’Union européenne. L’appel à l’utilisation de cet article ne sera plus un simple exercice de style, mais une réalité dont pourront se prévaloir les forces eurosceptiques un peu partout. Ceci inquiète particulièrement à Bruxelles et dans les capitales européennes. Car si le Brexit ne provoque pas la catastrophe prévue par la plupart des études, si l’UE se montre « compréhensive » pour éviter des conséquences économiques dramatiques outre-Manche, il deviendra un exemple pour ceux qui plaident pour une sortie de l’UE. « Faire du Brexit un succès, ce sera la fin de l’UE. Cela ne peut pas se produire », explique un « politicien européen de premier plan » cité par le FT.

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Paris veut faire un exemple

Les partisans les plus absolus de la ligne dure seraient les Français qui voudraient « faire un exemple » pour ôter au Front National un argument durant la campagne présidentielle. En cela, Paris peut sans doute compter sur l’appui du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui a récemment déclaré dans une interview au Monde que « les déserteurs ne seront pas accueillis bras ouverts. » Le plan français est donc d’imposer un nouvel accord commercial très contraignant pour le Royaume-Uni, peut-être même en refusant à ce pays l’entrée dans l’espace économique européen où sont intégrées la Suisse, la Norvège et l’Islande, par exemple. La dureté des négociations pourrait avoir de sérieuses conséquences sur l’activité économique britannique. Une étude du Trésor britannique avait estimé que l’impact sur le PIB au bout de 15 ans serait fort différent selon les formes de coopérations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE. En cas d’entrée dans l’EEE, la chute du PIB pourrait atteindre 3,8 %, en cas d’absence d’accord précis et donc de relations réglées par le cadre de l’OMC, le recul pourrait aller jusqu’à 7,5 %.

La stratégie du pire de Paris

Certes, les chiffres sont contestables et la période de campagne est propice à des scénarios apocalyptiques, mais il ne faut pas négliger l’effet de ces projections à court terme. Si les négociations patinent ou s’annoncent difficiles pour Londres, les marchés pourraient paniquer et vendre massivement leurs actifs britanniques. Or, le modèle économique britannique repose sur son déficit courant, donc sur l’entrée de capitaux étrangers. Les taux pourraient remonter fortement, la livre sterling chuter et l’épargne augmenter. Le Royaume-Uni aura alors bien du mal à éviter une récession et la Banque d’Angleterre, prise entre le besoin de relever ses taux pour freiner les sorties de capitaux et celui de les baisser pour soutenir l’activité, serait impuissante. C’est sans doute le but que se fixe la stratégie française. Dans ce cas, il serait difficile pour le FN au printemps 2017 de faire campagne pour une sortie de l’UE.

Berlin plus prudent que Paris

Selon le FT, cette position n’est cependant pas celle que privilégierait Berlin. L’Allemagne, officiellement, redoute qu’une position dure « ne renforce la division » de l’UE alors que l’union sera déjà en danger. En réalité, les motivations de la prudence allemande pourraient être plus terre-à-terre. En tant que puissance exportatrices dont les marchés en croissance, émergents, sont plus que jamais, en phase de décélération, l’Allemagne ne veut pas prendre le risque d’une quelconque panique sur les marchés. La première économie d’Europe a livré, en 2015, 89 milliards d’euros de marchandises au Royaume-Uni qui est son troisième client. Une récession outre-Manche associée à une panique boursière serait une mauvaise nouvelle pour l’Allemagne et pourrait toucher un secteur bancaire allemand, notamment la Deutsche Bank, très fragile et très sensible aux évolutions des taux et des changes. On comprend bien que la « punition politique » voulue par Paris fait grincer des dents à Berlin qui a tout intérêt à conserver des liens commerciaux intacts avec le Royaume-Uni. L’Allemagne pourra sans doute compter sur des pays proches des Britanniques comme l’Irlande, en première ligne en cas de Brexit… Les discussions s’annoncent donc serrées.

Vers plus d’intégration dans la zone euro ?

Les Européens devront aussi s’interroger pour savoir s’ils doivent ou non, pour répondre au risque de dislocation, renforcer les liens entre les 27 pays restants. Une solution serait alors une plus forte intégration de la zone euro, une option qui avait déjà été à l’ordre du jour après la crise grecque de l’été 2015, mais qui n’a guère avancé. Selon le FT, cette option a été évoquée dans une réunion à quatre qui s’est tenue cette semaine et a regroupé Jean-Claude Juncker, Mario Draghi, président de la BCE, Donald Tusk, président du Conseil de l’UE et Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe. Les deux premiers auraient souhaité une plus forte intégration de la zone euro en réponse au Brexit, Les deux derniers auraient émis « de profondes réserves », estime le FT.

En réalité, l’option de l’intégration est peu probable. Un plan franco-allemand est, en théorie, en préparation, mais on sait qu’il sera peu ambitieux. Mario Draghi réclame une meilleure coordination des politiques de la zone euro depuis longtemps et avait espéré que la politique de la BCE puisse être l’occasion de s’engager dans cette voie pour « compléter » cette politique. Peine perdue et Mario Draghi a quasiment perdu espoir d’imposer cette architecture. Selon le FT, Jeroen Dijsselbloem est un farouche opposant à une réponse « intégrative ». Rien d’étonnant à cela : on votera en avril 2017 aux Pays-Bas pour renouveler la chambre basse du parlement et le parti du ministre des Finances, les Travaillistes, est en plein désarroi avec moins de 10 % d’intentions de vote. Alors que l’humeur eurosceptique domine au pays de Rembrandt, le gouvernement de La Haye n’est pas prêt à sauter le pas vers plus d’intégration. La remarque vaut aussi pour Angela Merkel qui va tout faire pour tenter de contenir la poussée d’Alternative für Deutschland (AfD). Plus d’intégration alimenterait le discours sur le risque porté par les contribuables allemands dans le « sauvetage de la zone euro », un sujet que la chancelière préfèrerait éviter…

La solution : une Europe de la sécurité et de la défense ?

La réponse au Brexit devrait donc être surtout sécuritaire, souligne le FT. Les 27 devraient chercher avant tout à renforcer leur coopération dans la lutte contre le terrorisme et la défense pour « faire revivre la popularité de l’UE ». Mais quels types de politiques seront-elles mises en avant ? Y aura-t-il la mise en place d’une armée commune ou d’un budget commun ? Contrairement à ce que pensent les sources du FT, ces sujets ne font pas nécessairement l’objet d’un consensus au sein de l’UE, le long débat sur les PNR, les données des passagers aériens, l’a prouvé. La prudence de l’Allemagne, même après les attentats du 13 novembre à Paris, dans son soutien militaire à la France en est une autre preuve. En réalité, on voit mal comment une stratégie militaire européenne peut se mettre en place… sans le Royaume-Uni. Mais, dans ce cas, il sera difficile de mener une politique dure dans les négociations commerciales…

Nouvelles brèches dans le « couple franco-allemand »

Le Brexit risque donc une nouvelle fois d’ouvrir des brèches au sein de l’UE à 27. L’attitude de l’UE face au Royaume-Uni sorti de son sein est loin d’être certaine. Les pays exportateurs, Allemagne, Pays-Bas et Irlande en tête, seront soucieux, quoi qu’ils en disent durant la campagne, de « limiter les dégâts » en limitant l’incertitude et le durcissement des conditions commerciales avec les Britanniques. Pour des raisons politiques, la France pourrait freiner des quatre fers, peut-être avec l’appui de l’Italie, où Matteo Renzi est menacé par le Mouvement 5 Etoiles, allié de l’UKIP au parlement européen. Une chose est certaine : l’UE à 27 risque d’être pris dans des injonctions contradictoires. Et le « couple franco-allemand » pourrait bien être une victime collatérale d’un éventuel Brexit.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/quelle-reponse-de-l-ue-en-cas-de-brexit-574717.html
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