Olivier Beaumont | 15 Mai 2015, 07h01 | MAJ : 15 Mai 2015, 07h16

Paris, le 25 avril 2014. Marine Le Pen craignait que son père, avec ses provocations, lui donne le baiser de la mort. « Depuis des mois, il est dans une entreprise permanente de sabotage du travail que je fais », analyse-t-elle.

Paris, le 25 avril 2014. Marine Le Pen craignait que son père, avec ses provocations, lui donne le baiser de la mort. « Depuis des mois, il est dans une entreprise permanente de sabotage du travail que je fais », analyse-t-elle.

(AFP/Joël Saget.)

« Je fais le pont comme tout le monde. Ça va me faire du bien… surtout après tout ça », souffle Marine Le Pen. Tout ça ? La guerre ouverte avec son père bien sûr, où tous les coups sont permis.

 

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A l’image de cette dernière offensive paternelle : la création d’une formation politique indépendante, modestement appelée Association des amis de Jean-Marie Le Pen. « C’est incontestablement une opération de parasitage. Mais cette tentative de division n’a aucune chance de prospérer », assure Marine Le Pen à notre journal, tout en raillant ce qu’elle voit déjà comme un « fan-club regroupant tous les ramassis, les parias et les infréquentables qui ont été exclus du Front ».

Dans son bureau du siège du Front national, à Nanterre (Hauts-de-Seine), la présidente du parti ne peut s’empêcher de ruminer. « Je suis en train de lire un polar, très dur, très sombre, que m’a offert ma mère. » Son titre ? « Meurtres pour rédemption », de Karine Giebel. L’histoire d’une femme condamnée à perpétuité pour meurtre… et appelée Marianne. « Pas vraiment le genre de lecture qui détend », reconnaît-elle, assise devant une bibliothèque. « Le Camp des saints », de Jean Raspail (un roman qui décrit les conséquences d’une immigration massive sur la civilisation occidentale, la France en particulier), est posé de manière bien visible sur son étagère.

QUESTION DU JOUR. Marine Le Pen est-elle vraiment différente de son père ?

Enervée par son père… et les médias

Ces derniers jours, Marine Le Pen l’a mauvaise. Très mauvaise. Contre son père, mais aussi contre les médias qu’elle accuse en privé de jouer un jeu pervers avec lui, en étant à l’affût des dérapages. « Mais elle a délibérément monté cette rupture en épingle, accuse un de ses anciens stratèges, aujourd’hui mis au ban. Car cette affaire est tombée au lendemain d’un succès électoral ( NDLR : les départementales), et à plusieurs mois des régionales. C’était donc le moment idéal pour se débarrasser de ce père devenu trop encombrant. »

« C’est une thèse complotiste », réplique-t-elle. « Ce qu’on a vécu depuis un mois, je m’en serais franchement bien passée », jure-t-elle, tout en reconnaissant qu’il faut aussi savoir transformer une crise en opportunité. Ce qu’elle va faire début juillet en convoquant les adhérents (par correspondance) pour un congrès extraordinaire dont l’objectif sera double : supprimer le titre de président d’honneur de son père, et rénover le parti. Bref, en faire un outil totalement sous contrôle. Car Marine Le Pen entend bien être le seul maître à bord.

« C’est une femme autoritaire, parfois violente, cassante, qui ne supporte par la concurrence… comme son père. Elle tient absolument à garder son imperium dans le mouvement », charge un membre du bureau politique qui a déjà essuyé ses colères. Elle trouve ces attaques profondément injustes, et s’appuie d’ailleurs sur l’organisation de ce congrès à venir : « En revenir aux adhérents, c’est la forme la plus absolue du respect qu’on a à leur égard. Jamais le Front national n’a fonctionné de manière aussi démocratique. »

«Je dors mieux aujourd’hui que je ne dormais hier»

En attendant, la présidente du FN avoue surtout être soulagée, apaisée. « Je dors mieux aujourd’hui que je ne dormais hier, assure-t-elle. Avant, j’avais physiquement la boule au ventre, surtout quand j’apprenais que Jean-Marie Le Pen allait faire une interview. Et bien sûr chaque vendredi avec la parution de son blog vidéo. Ces derniers temps, voyant la dérive radicale qu’il était en train de prendre, c’était même devenu une angoisse. Je me demandais quel dérapage on allait encore devoir gérer. Car depuis des mois, il est dans une entreprise permanente de sabotage du travail que je fais. Il n’accepte pas que le parti ait changé. »

Alors selon elle, cette rupture était inéluctable. « En juin dernier, quand il a tenu ses propos sur Patrick Bruel et la fournée, j’ai dénoncé une faute politique. C’était le dernier avertissement. Car à un moment donné, le crédit est épuisé. » Même s’il s’agit de ce père qu’elle a longtemps défendu, et à qui elle doit son ascension politique. « Pourquoi devrais-je me comporter en fille, quand il ne se comporte plus en père ? A ce stade, c’était lui ou moi, lâche-t-elle froidement. Si je ne me sentais pas assez forte pour supporter ce dilemme, je n’aurais pas accepté de prendre la direction du Front national. La violence, l’ingratitude, les coups durs et l’exposition, j’y étais préparée. Tout simplement parce que j’ai eu une formation continue à ses côtés pendant des années. »

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