Cette motorisation n’a jamais percé en France malgré ses qualités environnementales reconnues et son coût d’usage très compétitif. Avec un parc de seulement 250.000 voitures quand dans d’autres pays européens, elles se comptent en millions, le marché français fait figure d’exception… A qui la faute?

Et si une partie de la solution contre les problèmes de pollution automobile était juste sous notre nez et, ce, depuis plusieurs décennies déjà ?

Le gaz de pétrole liquéfié ou GPL, c’est l’histoire d’un fiasco industriel qu’on peine encore à expliquer. Cette technologie avait tout pour convaincre, voire même pour se tailler une confortable place face aux carburants essence et diesel.

Une solution miracle ?

A en croire ses promoteurs, le GPL est le carburant alternatif le plus au point pour lutter contre la pollution atmosphérique. Ce carburant composé de gaz ne produit quasiment pas de particules fines et limite les émissions de Nox, responsables des maladies respiratoires. S’il produit des gaz à effet de serre, les spécialistes estiment que ceux-ci sont bien moindres (18%) que ceux émis par les moteurs thermiques traditionnels. Et, pour couronner le tout, le GPL est le carburant le moins cher : 0,73 euro le litre, soit 40% moins cher que l’essence et 30% de moins que le diesel.

Le carburant parfait donc ? Sauf que les voitures à motorisation GPL représentent à peine quelques milliers de ventes des voitures neuves en France, loin, très loin des niveaux d’autres pays comme l’Italie (30% des ventes), l’Allemagne ou encore la Pologne. Chez ce dernier, le parc GPL s’élève à 2,8 millions de voitures en circulation d’après les chiffres publiés par le comité français du butane et du propane (CFBP), il est même de 4 millions de véhicules en Turquie. A titre de comparaison, le parc GPL en France est de seulement 262.000 voitures, soit une quantité tout à fait négligeable face aux 14 millions de GPL qui sillonnent les routes européennes. Et le phénomène n’est pas ancien puisque le nombre de GPL en circulation en Europe a augmenté de 40% en cinq ans.

Les pouvoirs publics premiers responsables

La France, elle, sèche complètement sur cette technologie. Pour Joël Pedessac, directeur général du CFBP, la responsabilité première incombe aux pouvoirs publics. Et de rappeler :

„En 2008, le gouvernement avait mis en place un bonus de 2.000 euros sur les motorisations GPL, on avait vendu 100.000 unités en deux ans (…), depuis le GPL a été aligné sur le diesel et a vu son bonus supprimé, voire ‘malusé’ dans certains cas. Résultat: seulement 1.500 véhicules GPL ont été vendus en 2015.”

L’Hexagone n’est pourtant pas si mal loti en stations GPL. Si seulement 1.750 stations-service sur 10.500 distribuent ce carburant, le maillage permet d’être pourtant bien desservi. Toutes les stations autoroutières sont équipées. „Entre Lille et Nice, il y a une station GPL tous les 50 km, et l’Ile-de-France compte 250 stations”, martèle Joël Pedessac. Enfin, argument ultime, les voitures GPL sont toujours proposées en bi-carburation, ce qui permet de rouler en essence si besoin et de ne jamais tomber en panne.

L’impact des panneaux (obsolètes) à l’entrée des parkings

Pour Guillaume Crunelle, analyste automobile au cabinet Deloitte, le GPL souffre de la persistance d’une mauvaise réputation.

„L’opinion est restée sur cette image désastreuse et pas forcément justifiée des réservoirs GPL qui peuvent prendre feu”, explique-t-il.

Le CFBP tente de sensibiliser l’opinion à cette réalité. „20% des gens ont encore à l’esprit cette réglementation très restrictive du GPL dans les parkings… Si on regarde en creux, 80% l’ont oublié”, se console Joël Pedessac. Le CFBP frappe aux portes des parkings publics un par un pour les convaincre de renoncer aux panneaux d’interdiction aux GPL non-munis de soupape, vestige de l’époque où ces motorisations étaient supposées dangereuses.

Pas ou peu d’offres chez les constructeurs

Du côté des constructeurs, on sèche également sur le sujet. Chez Volkswagen, il n’y a tout simplement pas d’offres GPL tandis que PSA affirme avoir d’autres priorités en termes de recherche et développement (R&D). Renault, lui, avance à pas feutrés sur cette technologie qu’il ne commercialise pas du tout en France. La marque au losange travaille néanmoins sur une nouvelle génération de moteurs GPL, mais qui sera dédiée à des marchés spécifiques comme l’Italie ou la Turquie où le groupe est très présent et qui pourrait équiper des Dacia.

Il est vrai que les constructeurs sont plus préoccupés par des technologies de rupture qui mobilisent les investissements : motorisations hybrides et électriques, voire hydrogène. „Le GPL a eu sa chance, mais aujourd’hui, on a changé de paradigme avec l’avènement de l’électrique”, tranche Guillaume Crunelle. Il ajoute : „Les positions écologiques de l’opinion publique se sont radicalisées car, si le GPL émet beaucoup moins de particules et fines et de CO2 qu’un moteur thermique, il en émet toujours plus qu’une voiture électrique.”

Mais pour Joël Pedessac, au contraire, „les constructeurs n’ont pas vraiment déserté cette technologie, au contraire, d’ici au Mondial de l’automobile de Paris, certains d’entre eux devraient sortir du bois avec de nouveaux produits qui rouleront au GPL”.

Fiat devrait ainsi rester extrêmement actif dans ce domaine-là. Le constructeur italien, qui n’a rien annoncé dans les motorisations électriques, souhaite se concentrer sur le GPL qui, à force, lui donnerait un avantage comparatif par rapport à d’autres constructeurs.

Achat rationnel, ou aversion affective ?

Le GPL n’est pas encore condamné, et l’avenir peut encore réserver des surprises, même si la perspective d’un baril de pétrole très bas pour une période encore prolongée ne jouera pas en sa faveur. Car si l’achat d’un GPL est fortement contrarié pour des raisons affectives, il reste néanmoins un achat très rationnel d’un point de vue économique. C’est le rôle des flottes d’entreprises d’engager des achats rationnels, avant de les déverser sur le marché de l’occasion. Mais la difficulté à la revente a constitué un obstacle pour décider les gestionnaires de flottes. Dommage ! „C’est une belle idée qui n’a pas eu l’histoire qu’elle aurait dû avoir”, conclut dans un soupir Guillaume Crunelle.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/qui-a-tue-le-gpl-en-france-575893.html