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Pourquoi la France va perdre son statut de premier exportateur européen de blé tendre

En raison de la mauvaise moisson de cette année, les exportations françaises hors-Union européenne devraient baisser de 60% par rapport à 2015. En Europe, la place de la France sera probablement prise par l’Allemagne.

Encore un déclassement en vue pour la France? Agritel, cabinet de conseil expert des marchés agricoles, le craint bien. L’Hexagone va probablement perdre sa place de leader européen de l’exportation de blé tendre vers des pays tiers, selon un sondage mené auprès d’un panel représentatif de plus de 3/4 de la sole de blé tendre français.

Seul responsable, „Monsieur Météo”, pointe le directeur du cabinet, Michel Portier, à l’origine en 2016 d’une moisson catastrophique de seulement 28,68 millions de tonnes de blé tendre: 12,22 millions de moins que l’année précédente, malgré une hausse de 1,2% des surfaces cultivées.

Des fleurs avortées, des épis à moitié vides

La pluie, qui a atteint des records en mai et juin, période de la floraison du blé, ainsi que le peu de luminosité, ont été de véritables fléaux pour le Nord-Est de la France. Malgré une concentration au mètre carré plutôt encourageante, due à la douceur de l’hiver dernier, les agriculteurs ont donc découvert lors de la moisson et du battage des épis anormalement vides, contenant une vingtaine de graines chacun contre la cinquantaine sur laquelle ils comptaient. Une véritable douche froide, puisque „jusqu’au 15 juin, on s’attendait à une production dépassant les 35 millions de tonnes”, rappelle Michel Portier.

En termes de rendement, 2016 est devenue la pire année depuis 1983: 5,48 tonnes par hectare, ce qui représente une baisse de 26% par rapport à la moyenne des cinq dernières années (7,39t/ha). Par rapport à la bonne moisson de 2015, le rendement a même chuté de 30%. „Statistiquement, un tel écart se produit une fois tous les 1.500 ans”, souligne Agritel.

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Des graines protéinés mais maigres

Pire, la qualité n’est pas non plus au rendez-vous: le poids spécifique du blé tendre français résulte cette année bien inférieur aux cahiers des charges du marché international, qui requièrent au moins un poids spécifique de 76 kilos pour 100 litres. „Seul 30% de la production, provenant surtout du Nord du pays, atteindra ce niveau, le reste se situant entre 55 à 76 kilos pour 100 litres”, estime Agritel. Certes, en contrepartie, le blé français de cette année sera particulièrement riche en protéines, la même quantité d’azote ayant profité à moins de graines. „Mais cette qualité n’a pas encore de marché en France, et ne sera donc pas rémunérée. Il va falloir lui trouver des débouchés”, observe Michel Portier.

Agritel prévoit donc que si les exportations  intra-européennes pour l’alimentation animale devraient se maintenir, permettant à la France de garder sa première place d’exportateur en Europe, celles vers des pays tiers, de blé meunier, se contracteront. Selon le cabinet, l’Hexagone devrait disposer de seulement 5,1 millions de tonnes de blé tendre destinées aux pays extra-communautaires, soit 60% de moins que l’année dernière. En raisonnant à prix fixes, cette baisse des exportations en dehors de l’UE devrait induire une diminution nette de l’excédent commercial français de 2 milliards d’euros en blé tendre, et d’un milliard d’euros pour les autres cultures (orge, blé dur etc.).

Plus de 25 millions de tonnes de blé prévues en Allemagne

Dans un contexte de plus en plus compétitif, cela impliquera inévitablement une perte de parts de marchés, qu’il va donc falloir récupérer les années prochaines. Au Maghreb, qui entre 2012 et 2015 a été le deuxième acheteur de blé français après l’Union européenne, le Maroc et l’Algérie se tourneront probablement vers le blé de Mer Noire et de Russie. Mais les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, qui ont eu ou prévoient de bonnes récoltes, sont aussi de dangereux concurrents, avertit Agritel.

En Europe, „le compétiteur qu’il va falloir suivre”, susceptible de voler le titre de premier exportateur vers des pays tiers à la France, est l’Allemagne. Même si seulement 30% du blé y a été récolté à ce jour, Agritel prévoit une production dépassant les 25 millions de tonnes, et des exportations hors-UE de 6,65 millions de tonnes. Essentiellement produit dans le nord du pays, où les journées d’été sont plus longues qu’en France, le blé allemand est par ailleurs connu pour être, même à conditions égales, d’une meilleure qualité que le blé français.

Un déficit de 500 euros par hectare

Pour les agriculteurs français les temps s’annoncent donc durs. Pas d’illusion en effet: le marché étant mondialisé, et la production mondiale étant en hausse de 23 millions de tonnes par rapport à la moyenne des cinq dernières années, les prix, au plus bas depuis 2009, devraient le rester. Lors des échanges, le blé français devrait en outre être ultérieurement pénalisé par sa mauvaise qualité cette année.

Agritel prévoit ainsi un déficit moyen de plus de 500 euros par hectare, alors que pour la nouvelle production les agriculteurs devront débourser environ 480 euros par hectare. Les problèmes de trésorerie auxquels seront confrontés nombre d’exploitants se répercuteront par ailleurs sur toute la filière: organismes stockeurs, fournisseurs de semences, d’engrais et de machines.

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