[Série Les Millennials] Fini la génération James Dean qui ne pensait qu’à une chose : passer son permis dès 18 ans et avoir une voiture. Les Millennials retardent ce passage à l’âge adulte et imaginent une autre civilisation automobile, autonome, propre et connectée.

Pour les Millennials, la voiture n'est plus un rêve, juste un service
L’industrie automobile va subir dans les cinq prochaines années une transformation plus profonde que durant les quatre-vingt-dix dernières années. (Crédits : DR)

« Je ne sais pas ce que sera le monde de l’automobile dans cinq ans », dit l’un.

« L’industrie automobile va subir dans les cinq prochaines années une transformation plus profonde que durant les quatre-vingt-dix dernières années », déclare un autre…

Ces propos, tenus par des professionnels de l’automobile, trahissent une réelle angoisse de manquer la triple révolution actuellement à l’oeuvre : la connectivité, l’autonomie et les mobilités alternatives.

Si, sur les deux premiers sujets, les constructeurs peuvent encore avoir la main grâce à la maîtrise des procédés industriels, ils s’interrogent sur le troisième thème dont les transformations sont les plus avancées. En effet, en quelques années à peine, de nouvelles formes de mobilités se sont imposées : les VTC avec Uber, le covoiturage avec BlaBlaCar, les locations urbaines AutoLib, ou les locations entre particuliers, comme Drivy ou Ouicar. Très souvent, ce sont les jeunes qui ont été les premiers à s’engouffrer dans ces offres.

« La contrainte économique est très forte pour les jeunes générations. Elle les conduit à réfléchir à des solutions alternatives », explique Guillaume Crunelle, associé responsable industrie Automobile chez Deloitte.

Bertrand Rakoto, analyste automobile, abonde en ce sens : « Ils cherchent des solutions pour que l’achat d’une voiture puisse être, d’une certaine façon, rentabilisé. »

Pour les constructeurs, la menace est de voir une génération entière renoncer à la sacro-sainte propriété automobile, au profit de ces alternatives. Ils craignent pardessus tout que ce comportement, initié par la contrainte financière, s’installe à terme dans les moeurs.

Louer… jusqu’au retour du désir de propriété

Les constructeurs restent toutefois persuadés que les jeunes, surtout lorsqu’ils ne vivent pas à l’intérieur de Paris, veulent toujours posséder leur voiture. Peter Schwarzenbauer, membre du directoire de BMW, a récemment déclaré :

« On a constaté qu’au bout d’un moment, les jeunes en ont un peu marre de l’autopartage, et il y a une rupture autour de 35/38 ans, où ils ont envie de posséder leur propre voiture. »

Les jeunes « veulent toujours posséder leur voiture, mais ils veulent changer de business model », confirme Bertrand Rakoto.

Ainsi, la première réaction des constructeurs a été de multiplier les offres de financement alternatives. Il n’est plus rare d’aller chez son concessionnaire et ressortir avec une voiture financée par un « loyer », comprendre du leasing.

Une véritable martingale pour les constructeurs, puisque cette solution permet de fidéliser les clients qui se voient proposer une nouvelle offre tous les trois ou quatre ans. Et les constructeurs musclent leur proposition en lui associant divers services : assurance, maintenance… Alléchant ! Mais les jeunes ne sont pas toujours éligibles aux règles prudentielles qui régissent ces formes de financement.

Dépasser le vieux modèle productiviste

En outre, les jeunes ont d’autres aspirations.

Comme l’explique Guillaume Crunelle (Deloitte), « les jeunes se posent moins la question de posséder une voiture que de trouver le moyen d’accomplir un trajet ».

Autrement dit, peu importe le moyen : le jeune veut aller d’un point A à un point B, à un coût moindre. Et, de ce point de vue, les constructeurs paraissent désarmés.

Certes, ils ont identifié le problème depuis longtemps et travaillent d’arrache-pied pour trouver des réponses. Ils ont lancé des services dans tous les sens, des applications ; ils rachètent des startups, ils fondent des incubateurs en espérant saisir l’idée de génie, et mettent en place des chasseurs de talents.

« Les constructeurs disent aujourd’hui „nous avons compris”, mais certains hésitent encore à prendre des décisions structurantes susceptibles de remettre en cause une partie de leur modèle industriel », constate Guillaume Crunelle.

Plus que le modèle industriel, c’est la culture productiviste de l’industrie automobile qui pose question. Les industriels tentent d’entrer dans l’univers du digital, mais sans avoir la souplesse organisationnelle ni l’audace novatrice. Il leur faudra des années pour assimiler ce monde nouveau. Peut-être en faisant des gros chèques, comme récemment General Motors, qui a racheté Lyft, le concurrent d’Uber.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/pour-les-millennials-la-voiture-n-est-plus-un-reve-juste-un-service-569117.html