Validée par le Conseil constitutionnel, la loi travail va pouvoir être maintenant promulguée. Pour autant, le feuilleton est loin d’être terminé. Car les entreprises vont pouvoir maintenant profiter des nouvelles dispositions sur les heures supplémentaires. Et ça pourrait être „chaud”.

C’est un « ouf » de soulagement qu’ont dû pousser le Premier ministre et la ministre du Travail après la validation de la « loi travail » par le Conseil constitutionnel. Tous les articles importants du texte ont passé l’obstacle…. Il faut dire que les « Sages » avaient décidé de ne pas se prononcer sur leur sort estimant que ces articles pourraient faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Il en va ainsi des très décriés article 2 du projet (devenu article 8 de la loi) renforçant la place de la négociation collective d’entreprise sur les questions de temps de travail, l’article 11 (devenu article 22) sur les accords de développement de l’emploi et l’article 30 (devenu article 67) sur le licenciement économique. Seules quelques dispositions annexes ont été recalées.

Et maintenant que va-t-il se passer ? L’interminable feuilleton « loi travail » qui dure depuis quasi un an est-il réellement terminé ? Pas forcément car sur les plans juridique et politique l’épilogue n’est pas encore tout à fait écrit.

Licenciements économiques: application le 1er décembre

Tout d’abord, selon des données du ministère du Travail, il faut 127 décrets d’application pour que les 123 articles de la loi travail entrent dans les faits. Le ministère du Travail s’est attelé à leur rédaction et espère que la plupart seront prêts pour la fin de l’année.

Cependant, on connaît déjà la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions. Il en va ainsi des nouveaux critères pour légitimer un licenciement économique (chute du chiffre d’affaires sur un certain nombre de trimestres selon la taille de l’entreprise). Ces critères seront applicables à compter du 1er décembre 2016 pour les nouveaux contentieux.

De même, c’est le 1er janvier 2017 que s’appliquera la règle de „l’accord majoritaire à 50%” pour valider un accord d’entreprise. Ce qui signifie que, à compter de cette date, un nouvel accord d’entreprise sur le temps de travail ne serait valide que s’il a été signé par un ou des syndicats ayant obtenu au moins 50% des voix lors des dernières élections professionnelles. Auparavant un accord signé par un ou des syndicats ayant obtenu 30% des voix était valable si des syndicats représentant 50% des voix ne faisaient pas jouer leur „droit d’opposition”.

Il va être très intéressant de voir si les entreprises vont rapidement vouloir bénéficier des nouvelles dispositions de la loi El Khomri en la matière. Va-t-on assister à une vague de dénonciations d’accords d’entreprise sur le temps de travail pour renégocier de nouvelles règles ? Les entreprises vont-elles en masse vouloir revoir à la baisse le taux de bonification des heures supplémentaires, maintenant que la loi facilite la possibilité de limiter ce taux de majoration à 10% s’il y a un accord d’entreprise, contre 25% en l’absence d’accord ? Il est trop tôt pour répondre à ces questions mais, sur le terrain, il risque d’y avoir des moments un peu « chaud ».

Une nouvelle réforme du Code du travail?

En outre, il ne faut pas oublier que l’ambition initiale du gouvernement était de réécrire de fond en comble le Code du travail. Il se donnait deux ans pour y parvenir. En dehors de quelques articles plus généraux, la loi El Khomri ne concerne en effet essentiellement que les dispositions du Code du travail relatives à la durée du travail sous toutes ses formes (congés payés, congés personnels, durée hebdomadaire, heures supplémentaires, etc.). Beaucoup d’autres domaines devraient être logiquement mis sur la table, les chapitres relatifs aux contrats de travail notamment. Mais à moins d’un an de la présidentielle, le gouvernement devrait être freiné dans son ardeur, car il ne souhaite absolument pas revivre l’agitation née autour de la loi El Khomri.

Sur le plan plus politique, les syndicats de salariés et de jeunes (CGT, FO, Solidaires, Unef, etc.) opposés au texte n’ont pas tout à fait dit leur dernier mot. Intervenant ce vendredi 6 août sur France Inter, le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, a prévenu :

„Ce n’est pas parce que la loi a été votée au 49-3 et que le Conseil constitutionnel n’a pas pris de position sur l’ensemble de la loi — d’ailleurs ce qu’il aurait dû faire — que le dossier est terminé ; loin s’en faut (…). On a une journée de mobilisation, d’action, qui est prévue le 15 septembre. Il y aura des meetings à la rentrée. Non, non, ce n’est pas terminé”.

Simple vœu pieux syndical ou bien la mobilisation va-t-elle réellement reprendre ? On verra mais, on l’a dit, c’est sans doute davantage au niveau des entreprises qu’au niveau national, en fonction de l’attitude des employeurs face à ces questions de durée du travail, que la mobilisation devrait perdurer.

Et, en pleine primaire de la droite, le gouvernement aura beau jeu de dire aux opposants à la loi El Khomri « regardez les programmes des candidats à la primaire en matière de retraite, de durée du travail, de contrat de travail, de droits syndicaux… Et comparez avec ce que nous faisons ». De fait, pas un seul candidat à la primaire ne souhaite conserver une durée légale du travail à 35 heures et tous veulent retarder l’âge légal de départ à la retraite… sans parler de l’instauration d’une dégressivité des allocations chômage. Si la droite reviens aux affaires en mai 2017, on n’en aura donc pas fini non plus avec la réforme du Code du travail…

En attendant, les propositions très libérales des candidats à la primaire de la droite sont du pain béni pour Manuel Valls qui pourra se présenter comme un « modéré »…

Reste aussi à connaitre le climat social de la rentrée… Mais, in fine, comme le dit régulièrement Jean-Claude Mailly : « tout ce qui ne s’exprime pas dans la rue, s’exprimera dans les urnes ».

http://www.latribune.fr/economie/france/loi-travail-rien-n-est-fini-tout-commence-591023.html