Encore quelques mois à attendre pour les éleveurs. Alors que les manifestations d’éleveurs mécontents se multiplient en Bretagne, la levée prochaine de l’embargo russe sur les produits agroalimentaires français pourrait, si elle se confirme, leur donner une bouffé d’air.
En déplacement à Moscou pour une visite de deux jours, Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie a indiqué que la France visait la levée ” l’été prochain ” des sanctions imposées par les Occidentaux à la Russie en raison de la crise ukrainienne, à condition que les accords de Minsk soient respectés.
” Nous sommes inscrits dans un processus, celui de Minsk, qui scande les relations entre la Russie et l’Union européenne, entre autres „, a-t-il déclaré à des hommes d’affaires français réunis à l’ambassade de France, en référence aux accords signés début 2015 dans la capitale biélorusse pour régler le conflit dans l’Est de l’Ukraine.
Respecter les engagements pris à Minsk
” Mais il y a des relations qui ont commencé bien avant, qui doivent se poursuivre parce que l’objectif de ce processus c’est le retour à la normale. Et l’objectif que nous partageons toutes et tous, c’est de pouvoir lever à l’été prochain les sanctions, parce que ce processus aura été respecté „, a expliqué le ministre de l’Economie.
Pour mémoire, l’Union européenne et les Etats-Unis ont décidé la mise en place de sanctions commerciales contre la Russie depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014 par Moscou. Les Occidentaux veulent également limiter le rôle présumé de la Russie dans le conflit avec les séparatistes prorusses de l’Est de Ukraine, conflit qui a déjà fait plus de 9.000 morts. Ces mesures, qui visent les secteurs de la banque, du pétrole et de la défense, ont été prolongées fin décembre pour six mois alors qu’elles devaient arriver à échéance fin janvier.
La Russie n’est pas restée les bras croisés. Elle a répliqué en appliquant un embargo sur la plupart des produits agroalimentaires européens, qui touche notamment les agriculteurs français.
Ce n’est pas la première fois que l’hypothèse d’une levée de l’embargo est évoquée. En novembre, Manuel Valls, le Premier ministre français avait déjà envisagé l’éventualité d’une levée de ces mesures de rétorsion, sans toutefois préciser de calendrier. „Mais Moscou doit remplir sa part du contrat (…) qu’elle a signé dans le cadre des accords de Minsk” sur l’Ukraine, avait-il souligné devant les députés français.
Vendredi au Forum économique de Davos, John Kerry, le secrétaire d’Etat américain a estimé que les sanctions pourraient être levées ” dans les prochains mois ” si Moscou appliquait „complètement” ces accords signés en février 2014 dans le cadre du protocole de Minsk par les présidents ukrainien Petro Porochenko, russe Vladimir Poutine, français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel.
Ces accords prévoient la suppression de toutes les armes lourdes dans une zone démilitarisée de 30 kilomètres au niveau de la ligne de contact entre les deux armées, l’interdiction d’opérations offensives, l’interdiction des vols de jets de combat sur la zone de sécurité, le retrait de tous les mercenaires étrangers de la zone de conflit et la mise en place d’une mission de l’OSCE pour veiller au respect du Protocole de Minsk.
Des relations qui se normalisent
La fin des mesures de rétorsion commerciale s’inscrit dans le cadre de la normalisation en cours des relations entre la Russie, les pays de l’Union européenne et les Etats-Unis. La Russie est fortement engagée dans la lutte contre Daech en Syrie et en Irak aux côtés des forces armées françaises et américaines. Exemple de cette collaboration militaire, les navires russes assurent la couverture de l’aviation embarquée du groupe naval français..
En septembre, Emmanuel Macron avait reçu son homologue russe Alexeï Oulioukaïev. Ce lundi, pour la première fois depuis septembre 2013 se tient le Conseil économique, financier et commercial entre les deux pays. Une coopération qui s’est brutalement dégradée depuis. ” Les échanges commerciaux franco-russes ont atteint 17 milliards d’euros en 2014, en baisse de 6,6% par rapport à 2013. Cette diminution est principalement due à la contraction des exportations françaises vers la Russie (-12,1% à 6,7 milliards d’euros). Les importations françaises de produits russes accusent également une légère baisse sur la période (-2,6% à 10,3 milliards d’euros) „, explique le Quai d’Orsay.
En raison de l’embargo frappant les produits alimentaires tricolores, le décrochage est parfois spectaculaire dans certains secteurs. Si les exportations de céréales, de vins, de laits et fromages et de boissons distillées n’ont pas beaucoup varié depuis 2014, celles de viandes de boucheries, de légumes et melons, de porcins vivants ont nettement reculé. Dans ce secteur précisément, les exportations se sont repliées d’environ 12% entre 2014 et 2015.
L’économie russe est en récession
Il n’y a pas que les éleveurs français qui se réjouissent de cette hypothétique levée des embargos. L’économie russe souffre à la fois des sanctions commerciales et de la dégringolade des cours du brut. Après avoir stagné en 2014, le PIB a reculé de 3,7% en 2015. En 2016, cette récession devrait se prolonger. Mi-janvier en effet, le ministère russe de l’Economie a revu à la baisse ses prévisions pour cette année. Il ne table plus sur une légère reprise de l’activité mais sur une baisse de 0,8 % à 1 % du PIB, dans son scénario le moins optimiste, en raison d’une chute attendue de la consommation, le pouvoir d’achat étant rogné par l’accélération de l’inflation. L’indice des prix à la consommation a augmenté d’environ 15% sur un an.
Selon le gouvernement, 14,1% de la population russe vivait en dessous du seuil de pauvreté, soit 20,3 millions de personnes fin 2015, contre 12,6 % de la population un an plus tôt, soit 18 millions l’année précédente. Sans surprise, la Russie inquiète les investisseurs. Depuis le début de l’année, l’indice RTS de la Bourse de Moscou, libellé en dollars, a perdu à près de 15 %. Jeudi, le rouble touchait un point bas inédit depuis 1998 face au dollar à 85,99 roubles pour un dollar.
La Crimée restera-t-elle russe ?
La levée de l’embargo sera donc la bienvenue. Reste une question. Le sujet Crimée est-il définitivement clos ? Toutes les mesures prévues dans le cadre du protocole de Minsk sont-elles respectées ? Les combats sporadiques restent nombreux. Par ailleurs, l’ouverture d’un nouveau conflit n’est pas à exclure puis l’Ukraine reste déterminée à récupérer la Crimée.
” Nous refusons de perdre la Crimée. Cette année, nous allons vraiment commencer à faire pression pour la récupérer „, a déclaré mercredi Natalia Iaresko la ministre des Finances ukrainienne en marge du Forum économique mondial qui s’est ouvert à Davos. Pour l’instant, c’est par la voie diplomatique que l’Ukraine a choisie. Natalia Iaresko a indiqué que Kiev demandera bientôt la tenue d’une conférence inspirée du processus entamé en 2014 à Genève. Russie et Ukraine s’étaient alors retrouvées en présence de médiateurs américains et européens. Moscou n’a pas tardé à répondre à la demande de Kiev. Le Kremlin a exclu la tenue d’une nouvelle conférence dans ce cadre. Signe que l’heure n’est pas vraiment à l’apaisement entre les deux pays, l’Ukraine a récemment décidé de ne plus fournir d’électricité à la Crimée, tant que la Péninsule ne lui aura pas été rendue. De son côté, Moscou ne veut plus fournir de gaz à l’Ukraine…
http://www.latribune.fr/economie/international/les-sanctions-commerciales-contre-la-russie-seront-elles-bientot-levees-545654.html