Selon des données publiées ce lundi 20 juin par Thomson Reuters, les entreprises et investisseurs chinois ont acquis pour 111,6 milliards de dollars de sociétés étrangères, depuis le 1er janvier. Un montant qui correspond à celui réalisé sur… l’ensemble de l’année 2015.

C’est un euphémisme de dire que les Chinois sont des interlocuteurs avec lesquels le monde des fusions-acquisitions doit désormais compter. Selon des données publiées ce lundi 20 juin par Thomson Reuters, les entreprises et investisseurs chinois ont acquis pour 111,6 milliards de dollars (98,5 milliards d’euros) de sociétés étrangères, depuis le 1er janvier. Un montant qui correspond à celui réalisé sur… l’ensemble de l’année 2015. Il faut dire que la mainmise de ChemChina sur Syngenta a pesé lourd dans cette performance du premier semestre 2016 : l’entreprise publique chinoise a déboursé 43 milliards de dollars afin de s’emparer du groupe suisse, numéro un mondial des pesticides. Jamais un acquéreur chinois n’avait aligné une telle somme pour remporter une entreprise étrangère.

Mais l’importance de cette transaction ne doit pas masquer une dynamique à l’œuvre dans bien d’autres secteurs d’activité, depuis le début de l’année. A commencer par l’hôtellerie, avecla montée régulière de Jin Jiang au capital d’AccorHotels :passé d’un peu plus de 5% du capital au mois de janvier à plus de 15% aujourd’hui, le poids lourd chinois de l’hôtellerie est ainsi devenu ni plus ni moins que le premier actionnaire du groupe français. A quoi s’ajoutent les infrastructures, le port du Pirée étant devenu la propriété du transporteur maritime chinois Cosco, mais également le prêt-à-porter, avec le passage des marques Sandro, Maje et Claudie Pierlot dans le giron du groupe de textile Shandong Ruyi Technology Group, ou encore le football, l’Inter de Milan étant récemment passé sous la coupe du distributeur de produits électroniques Suning.

Volonté de diversification face à une économie domestique qui ralentit

Autant de cibles qui montrent un intérêt particulier de la Chine pour le Vieux Continent. De fait, entre le 1er janvier et le 7 juin, les acquéreurs asiatiques, et principalement les Chinois, ont dépensé un total de 79 milliards d’euros en acquisitions de sociétés européennes, un montant en hausse de 65% par rapport à la même période de l’an dernier, d’après des chiffres de BNP Paribas. Certes, leurs rachats d’entreprises américaines ont doublé dans le même intervalle, mais pour atteindre 49 milliards d’euros „seulement”.

« Les investissements chinois en Europe sont l’une des grandes tendances du moment, sur le marché des fusions-acquisitions. Les investisseurs chinois veulent diversifier leurs placements, face à une économie domestique qui ralentit [la croissance chinoise est tombée en 2015 à son plus bas niveau des 25 dernières années, à 6,9% ; Ndlr], et importer des savoir-faire technologiques »,

a expliqué Sophie Javary, responsable de l’activité de « corporate finance » pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient chez BNP Paribas, lors d’une conférence de presse, le 7 juin.

La banque conseille d’ailleurs la compagnie aérienne Air-France KLM dans le cadre de la cession de sa filiale de restauration Servair, valorisée 475 millions d’euros, au conglomérat chinois HNA. Pour Sophie Javary, pas de doute, cette propension des acquéreurs chinois à faire leurs emplettes en Europe „est là pour durer”. „Ils font montre d’une professionnalisation croissante et d’une grande capacité à financer les deals, à tel point qu’il sont souvent les mieux-disants”, explicite la responsable du „corporate finance” Europe chez BNP Paribas. Sans oublier l’importance des synergies de revenus que peut représenter l’ouverture du marché chinois pour un groupe européen.

Un appétit qui inquiète jusqu’au plus haut niveau des Etats

Mais cet appétit des acquéreurs chinois pour les entreprises du Vieux Continent n’est pas sans susciter des inquiétudes au plus haut niveau. Surtout quand l’ombre de l’Etat chinois plane derrière les prétendants en provenance de l’Empire du Milieu, comme c’est le cas avec Jin Jiang, contrôlé par la mairie de Shanghaï. « Accor a des actionnaires chinois car son développement se fait également en Asie. Mais je suis très attentif à ce que le capital de ce grand groupe à taille mondiale reste diversifié », a ainsi déclaré le président de la République, François Hollande, dans les colonnes de La Voix du Nord, le 7 juin.

Trois jours plus tard, c’est Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’économie et vice-chancelier du gouvernement d’Angela Merkel, qui s’est ému du projet de rachat de Kuka, l’un des fleurons de la robotique allemande, par le géant chinois de l’électroménager Midea. Dans une tribune publiée par l’hebdomadaire Wirtschaftswoche du 10 juin, Sigmar Gabriel invite ses homologues européens à envisager l’instauration de barrages à des rachats d’entreprises européennes par des acteurs non européens, lorsque les cibles appartiennent à des industries „portant les germes de la prospérité et de la création de valeur de demain”.

Au-delà de cette levée de boucliers, une autre raison pourrait diminuer l’appétit des Chinois pour les entreprises étrangères au cours des prochains mois. A savoir la volonté de Pékin de freiner l’érosion des réserves de change du pays, lesquelles ont chuté de près de 513 milliards de dollars l’an dernier. Ces sorties de capitaux mettent en effet le yuan sous pression. China International Capital Corp, la plus importante banque d’affaires de Chine, s’attend donc à ce que les rachats d’entreprises étrangères par des acquéreurs chinois n’excèdent pas 150 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2016. Ce qui représenterait tout de même un bond de 34,5% par rapport à 2015.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/banque/les-chinois-font-un-grand-bond-en-avant-dans-les-fusions-acquisitions-580716.html