Le nouveau PDG du groupe, Jean-Marc Janaillac présentera son projet le 2 novembre au conseil d’administration. Rétablir la confiance est l’élément clé sans lequel aucune mesure pour assurer la pérennité du groupe ne pourra être prise. Ce plan tranchera notamment sur la place de Transavia, sur le lancement ou pas d’une activité low-cost long-courrier.

„Trust together”, c’est le nom du projet stratégique d’Air France-KLM que le nouveau PDG du groupe Jean-Marc Janaillac, présentera le 2 novembre prochain au conseil d’administration, en remplacement du plan Perform de l’ancien PDG, Alexandre de Juniac, qui n’a jamais vu le jour en raison des tensions sociales qu’il a suscitées auprès des syndicats et des salariés. C’est, selon des sources syndicales, ce qu’a indiqué ce jeudi Jean-Marc Janaillac aux responsables syndicaux d’Air France et de KLM lors de deux réunions séparées, mais aussi ce vendredi au comité de groupe européen.

Sentiment de défiance

Loin des principes d’amélioration de la performance économique que résument généralement les noms de ces plans stratégiques, un intitulé plaçant comme priorité les relations sociales en dit long sur le sentiment de défiance, voire d’hostilité, qui fracture ce groupe rongé par de multitudes dissensions internes.

Cette défiance est multiplie. Elle est bien visible au sein d’Air France (entre les syndicats et le management, entre les navigants et le personnel au sol…) mais aussi dans les relations qu’entretiennent Air France et KLM et notamment leurs syndicats, en particulier ceux représentants les pilotes. Moins visible, ce sentiment de défiance s’était également installé ces dernières années entre les directions de KLM et d’Air France-KLM avec la dégradation des relations entre Alexandre de Juniac et Pieter Elbers, le président du directoire de KLM.

Rétablir la confiance au sein du groupe constitue de facto l’enjeu majeur du groupe pour espérer lever les oppositions et enclencher des réformes structurelles censées assurer la pérennité d’Air France-KLM.

Les syndicats associés à la réflexion

Jean-Marc Janaillac a assuré qu’il ne monterait pas les catégories du personnel les unes contre les autres et qu’il n’utiliserait pas l’opinion publique. Dénonçant la stigmatisation dont ils estiment faire l’objet depuis deux ans, les syndicats de pilotes n’ont pu qu’apprécier.

S’il a l’ambition de restaurer la confiance, ce plan vise aussi à prendre les décisions stratégiques qui permettront à Air France et KLM de répondre, dans le cadre d’un projet de croissance du groupe, aux enjeux du secteur.

Le nouveau PDG veut associer les syndicats et les salariés dans la réflexion sur la stratégie en prônant l’écoute et le dialogue. Ils seront auditionnés d’ici à novembre par le Boston Consulting Group (BCG) qui prendra leur avis sur plusieurs sujets stratégiques comme le développement de Transavia, le low-cost long-courrier, les alliances long-courrier. Une enquête plus large auprès de l’ensemble des salariés d’Air France et de KLM est également envisagée, selon certaines sources.

Ces enjeux sont de taille. Le plan stratégique va nécessairement aborder l’éternelle question du secteur moyen-courrier du groupe avec notamment le rôle de HOP et de Transavia, en particulier la poursuite du développement de l’activité low-cost en dehors des deux pays domestiques, la France et les Pays-Bas.

L’équation économique n’a pas changé

Si la réunion avec les syndicats français s’est déroulée dans un climat apaisé, les choses vont forcément devenir plus compliquées quand les discussions aborderont les questions de productivité et de rémunération. Car la problématique d’Air France n’a pas changé : sa compétitivité reste inférieure à celle de ses concurrents et la compagnie française doit prendre les mesures pour rester rentable de manière pérenne quel que soit le niveau du prix du baril afin de financer ses investissements et assurer la croissance du groupe comme le souhaite Jean-Marc Janaillac.

Voir ici le débat du Paris Air Forum sur : Comment rentabiliser le transport aérien de manière pérenne ?

Après la grève des pilotes en juin et des personnels navigants commerciaux fin juillet qui ont fait perdre plus de 100 millions d’euros à la compagnie, Jean-Marc Janaillac a confirmé vouloir donner plus de temps à la discussion afin de prendre en compte les grandes lignes de son projet. Il a confirmé vouloir prolonger l’accord collectif des PNC, qui court jusqu’au 31 octobre, jusqu’en janvier ou février, le temps de négocier un nouvel accord. Il a dit souhaiter négocier dans le même temps avec les pilotes.

La nécessité de partager le constat

Reste une question centrale. Outre le retour à la confiance, les négociations ne pourront aboutir que si direction et syndicats partagent le même constat de la situation économique d’Air France. Or, jusqu’ici, toutes les tentatives ont échoué. Les positions de la direction et plusieurs syndicats sont aux antipodes.

Après le plan Transform (2012-fin 2014), la direction a voulu continuer d’améliorer la compétitivité du groupe pour lui permettre de rester bénéficiaire, quel que soit l’environnement. Or, plusieurs syndicats rappellent qu’Air France et qu’Air France-KLM sont aujourd’hui profitables et que des efforts supplémentaires ne sont pas jugés nécessaires. La direction répond qu’il ne faut pas exagérer le retour dans le vert d’Air France, que la compagnie a certes dégagé un bénéfice opérationnel en 2015, mais après six années de pertes consécutives (et près de 2,5 milliards d’euros de pertes cumulées). De plus, dit-elle, sa performance est largement inférieure à celles de ses concurrents.

Compétitivité

Les syndicats font valoir également que l’écart de compétitivité avec les concurrents s’explique uniquement par le poids des charges et des taxes qui pèsent sur le transport aérien français. Ainsi, les comparaisons de performances avec les concurrentes présentées par la direction, qui montrent des écarts énormes avec les concurrents (sans prendre en compte le niveau de charges sociales), sont balayées du revers de la main. Quant aux différents rapports d’expertise commandités par le comité central d’entreprise d’Air France ces dernières années, lesquels pointent également les faiblesses de la compagnie, ils semblent avoir peu d’écho.

Le projet de taxer les passagers aériens pour financer une partie du budget de CDG Express, le projet de liaison directe entre l’aéroport de Roissy et Paris, a au contraire conforté leur point de vue. Jean-Marc Janaillac, qui a fustigé cette nouvelle taxe, a demandé une étude pour évaluer précisément les taxes qui frappe spécifiquement le transport aérien.

Ce dialogue de sourds dure depuis des années et il sera compliqué de le résoudre en quelques mois.

 

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/le-nouveau-plan-strategique-d-air-france-klm-a-un-nom-trust-together-596301.html