De la même façon que la banque américaine avait entraîné d’autres établissements financiers dans sa chute, le Brexit risque de faire école dans d’autres pays de l’UE. Et, partant, d’inciter les investisseurs étrangers à déserter les marchés actions européens.

L’heure est à l’apaisement, sur les marchés actions européens, une semaine pile après le vote en faveur du Brexit, qui les avait fait chuter dans des proportions jamais vues depuis la faillite de la banque Lehman Brothers, à l’automne 2008. Vendredi 24 juin, l’indice Dow Jones Euro Stoxx 50, qui regroupe les plus importantes capitalisations européennes, s’était en effet effondré de 8,62%, à l’annonce de la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne (UE). Dans le détail, le CAC 40 avait décroché de 8,04%, le DAX francfortois, de 6,82%, Milan et Madrid avait toutes deux dévissé de plus de 12%, le FTSE 100 londonien limitant la casse avec un affaissement de 3,15%. Huit jours plus tard, les principaux indices boursiers européens se portent bien mieux, avec des gains compris entre 2,19% et 7,13% sur la semaine écoulée.

Gare à ne pas se réjouir trop vite : les analystes de Saxo Banque voient surtout dans cette remontée des marchés un« rebond technique », « une chasse aux opportunités » après la chute des valorisations de certains secteurs, comme les banques, ou encore des « habillages (de portefeuilles de gestion) de fin de trimestre. »

Autre explication à ce regain de tonus, la promesse des banques centrales d’abreuver le système bancaire européen de liquidités, en cas de nouveau coup de mou des marchés. Et des accès de faiblesse, il y en aura d’autres, selon Saxo Banque :

« L’onde de choc du Brexit n’est pas totalement digérée, et l’incertitude dans laquelle les marchés sont plongés reste une grande source d’inquiétude pour les prochaines semaines, voire les prochains mois. »

Un été qui s’annonce volatil sur les marchés

Les Britanniques ont choisi de quitter l’UE, c’est un fait. Mais quand et comment interviendra cette sortie ? Quelle sera la nature des nouveaux accords commerciaux, douaniers et financiers que le Royaume-Uni va devoir négocier avec l’UE ? Cette phase cruciale de négociations durera au moins deux ans, et ne pourra débuter qu’une fois que le Royaume-Uni aura invoqué l’article 50 du traité de Lisbonne. Or, en démissionnant, le Premier ministre David Cameron a fait le choix de refiler cette patate chaude à son successeur, qui n’entrera en fonction que le 9 septembre. Et dont l’identité est devenue incertaine jeudi 30 juin, Boris Johnson, l’ancien maire de Londres pro-Brexit, ayant renoncé à briguer la succession de David Cameron.

Les investisseurs vont donc devoir patienter deux bons mois avant de disposer d’un (tout petit) peu plus de visibilité sur les conséquences du Brexit. Une période estivale au cours de laquelle les marchés risquent d’autant plus de jouer aux montagnes russes que les volumes d’échanges seront réduits, du fait de l’absence de nombreux opérateurs. Et il ne faut pas espérer y voir beaucoup plus clair à la rentrée : compte tenu du pataquès politique outre-Manche, « la demande officielle de sortie (du Royaume-Uni de l’UE) ne devrait pas être exprimée avant le début de l’hiver, au mieux », pronostique Vincent Guenzi, directeur de la stratégie d’investissement chez Cholet Dupont.

Le Royaume-Uni risque de faire des émules au sein de l’UE

Un manque de visibilité qui risque de conduire les entreprises britanniques à lever le pied sur leurs investissements, et d’inciter les sujets de sa Gracieuse Majesté à préférer l’épargne de précaution aux dépenses de consommation. Nombre d’économistes en sont donc convaincus, le Royaume-Uni ne pourra éviter une récession. Les experts de la Société générale anticipent ainsi une baisse de 1,6 point de la croissance du PIB (produit intérieur brut) britannique, d’ici à 2018. En revanche, ses exportations vers la Grande-Bretagne représentant 3% seulement de son PIB, la zone euro devrait voir sa croissance entaillée de 0,3 point seulement, dans le même intervalle. Pour Vincent Guenzi, chez Cholet Dupont, le Brexit représente donc bien moins un choc économique qu’un choc politique.

Un point de vue partagé par les experts de Dorval AM, pour qui« le Brexit est un Lehman Brothers politique, mais pas un choc économique et financier immédiat, sauf pour le Royaume-Uni. »Un « Lehman politique », cela signifie que, de la même façon que la banque américaine avait entraîné d’autres établissements financiers dans sa chute, le Brexit risque de faire école dans d’autres pays de l’UE. Surtout à l’aube de 18 mois qui s’annoncent très chargés en rendez-vous électoraux, avec le référendum institutionnel en Italie en octobre prochain, les élections aux Pays-Bas en mars, puis en France au mois de mai et, enfin, en Allemagne au mois d’octobre 2017.

« Dans ce contexte, les investisseurs américains et asiatiques, qui se sont déjà beaucoup retirés depuis le début de l’année, risquent de rester absents des marchés européens pendant quelque temps », prédit Dorval AM.

Il sera dit que, depuis la crise des subprimes en 2007, les investisseurs n’auront plus jamais droit à un été calme sur les marchés.

http://www.latribune.fr/bourse/le-brexit-un-lehman-politique-et-non-financier-583942.html