Les sondages sortis des urnes – et ceux publiés jusqu’à ce jour de vote en Espagne – s’étaient lourdement trompés. Finalement, Unidos Podemos (UP), l’alliance de Podemos, d’Izquierda Unida, formée des Communistes et des Ecologistes, n’a pas réussi à dépasser le parti socialiste, le PSOE, qui reste la deuxième force politique du pays derrière le Parti Populaire (PP) conservateur de Mariano Rajoy. Les vrais perdants de ce scrutin seront donc les instituts de sondage qui ne se sont révélés guère plus efficaces que leurs confrères britanniques qui n’avaient pas vu la victoire du Brexit le 23 juin.
Le PP, grand vainqueur
Quant au grand vainqueur, ce sera le PP qui, sur 95 % des bulletins dépouillés, a obtenu 32,9 % des voix et 137 sièges contre 28,7 % et 123 sièges le 20 décembre. Le président du gouvernement sortant Mariano Rajoy peut s’estimer satisfait de ce résultat. Il apparaît qu’il a bénéficié, comme le PSOE, mais dans une plus grande ampleur, d’un réflexe de retour aux partis traditionnels. Réflexe certes limité, puisque le PP avait obtenu 45 % des voix et la majorité absolue en 2011, mais la progression de près de quatre points est nette et elle donne clairement à l’équipe sortante la légitimité pour tenter de former un gouvernement. Le président du gouvernement pourra prétendre avoir gagné ces élections du 26 juin et effacé en partie les lourdes pertes subies entre 2011 et 2015. Sans doute faut-il y voir un effet de crainte face à la crise politique que traverse le pays et la volonté, en conséquence, de renforcer le gouvernement sortant.
Les Socialistes en progrès
Mais la vraie surprise de ces élections, c’est la progression des Socialistes du PSOE que l’on donnait pour moribond. Avec 22,8 % des voix contre 22 % le 20 décembre, il perd 5 sièges à 85 sièges contre 90 voici six mois. Le secrétaire général du PSOE Pedro Sánchez a fait mentir tous les pronostics et est parvenu à conserver largement la deuxième place dans l’échiquier politique espagnol en se renforçant. Il peut désormais espérer imposer sa candidature alternative à celle de Mariano Rajoy pour la présidence du Congrès qui avait échoué le 2 mars dernier en jouant cette fois sur l’affaiblissement d’Unidos Podemos.
Défaite pour Unidos Podemos
Car la sensation de cette soirée électorale, c’est que l’alliance menée par Pablo Iglesias n’a pas convaincu l’électorat espagnol de gauche. L’addition de IU et de Podemos avait obtenu 71 sièges et 24,4 % des voix le 20 décembre. Cette fois, la coalition ne recueille que 21,2 %, soit un recul de 3,4 points, mais préserve ses 71 députés. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette défaite : l’effet « Brexit » qui a peut-être effrayé une partie de l’électorat qui a préféré se rallier aux partis « connus », l’alliance avec les « Communistes » d’IU qui a pu là aussi inquiéter une partie de l’électorat de Podemos et les projets de référendum en Catalogne qui ont peut-être provoqué un retour vers les partis « unionistes ». L’abstention, en hausse de 3,5 points à 30,3 %, a sans doute aussi joué négativement. En tout cas, toute la stratégie de Pablo Iglesias, basée sur le « sorpasso » et donc sur une alliance « proposée » au PSOE s’effondre. Podemos va devoir réfléchir à ses choix en vue de la formation de la prochaine coalition gouvernementale.
Recul pour Ciudadanos
Reste qu’il n’est pas le seul perdant de la soirée. Le parti libéral Ciudadanos a obtenu 12,9 % des voix et 32 députés, contre 13,9 % et 40 députés le 20 décembre. La défaite de son président, Albert Rivera, est claire. Ce dernier se présentait pourtant comme un politique pragmatique, seul capable, affirmait-il, s’il était renforcé, de construire autour de lui un gouvernement. Les électeurs ne l’ont pas réellement cru et l’ont même sanctionné. Il est vrai qu’il était difficile de savoir avec qui Ciudadanos, qui avait passé un pacte avec le PSOE en février, mais qui regardait également du côté du PP, voulait gouverner. En tout cas, cette défaite réduit la perspective d’un grand partie du centre après la disparition dans les années 1980 du CDS d’Adolfo Suárez, le „parti de la transition”.
Mariano Rajoy renforcé
Que va-t-il se passer à présent ? Le scrutin n’offre pas de majorité claire, mais il change la donne. Mariano Rajoy en sort renforcé et il sera plus difficile de demander sa démission pour gouverner avec le PP. Mais en a-t-il les moyens ? Sa victoire n’est pas suffisante pour construire une majorité gouvernementale et, à part Ciudadanos, il ne dispose pas de partenaires possibles à part le PSOE. Mariano Rajoy va sans doute demeurer ferme sur sa volonté d’établir une « grande coalition » avec le PSOE, mais Pedro Sánchez sort également renforcé du scrutin puisqu’il a réussi à empêcher le « sorpasso » par Unidos Podemos et à maintenir ses positions. Il pourra faire taire ses opposants en interne et imposer davantage ses conditions à ses éventuels partenaires de coalition. Autrement dit, lui aussi va retenter de devenir président du gouvernement.
Les conditions d’une alliance à gauche
Le scrutin apparaît donc comme un statu quo par rapport au 20 décembre, malgré la progression du PP. L’addition des partis de centre-droit est nettement supérieure à celle de la gauche et se creuse (169 contre 157 contre 163 à 160 auparavant). Mais les deux partis de droite ne disposent guère de réserve de voix au Congrès et sans majorité absolue (fixée à 176 sièges), ils auront du mal à obtenir le feu vert du parlement. Reste alors trois solutions, comme auparavant : une « grande coalition », un pacte à trois entre Ciudadanos, le PSOE et Podemos qu’avait proposé en mars Pedro Sánchez et une alliance de gauche avec l’appui des nationalistes catalans ou basques. Les trois cas demeurent toujours aussi peu probables qu’avant le scrutin.
Changement de position sur la Catalogne chez Unidos Podemos ?
Le changement pourrait venir de la déception d’Unidos Podemos. Si Pablo Iglesias et les siens considèrent qu’ils ont payé leur position dure face au PSOE et leur engagement trop fort pour le référendum catalan, ils pourraient décider de se montrer plus ouvert face à Pedro Sánchez. Mais la difficulté sera de faire accepter leurs alliés catalans, basques et galiciens un abandon de cette idée de référendum. Ce serait renforcer en Catalogne les Indépendantistes.
Un gouvernement minoritaire de droite ?
En cas de blocage persistant, le PSOE pourrait finalement accepter la victoire du PP et tolérer un gouvernement PP/Ciudadanos qu’il pourrait renverser quand il le désirera. Mais un tel gouvernement n’est pas certain de voir le jour (Ciudadanos acceptera-t-il un pacte avec le PP après une telle défaite ?) et il serait très fragile. Ces élections du 26 juin n’ont donc pas réglé la crise politique espagnole. Tout se passe comme s’il s’agissait d’un retour à la case départ et aux mêmes blocages qu’avant le scrutin…