Faire baisser les coûts de l’innovation santé grâce au génie génétique, voilà le dernier créneau d’André Choulika. Pour ce docteur en virologie qui a cofondé le groupe Cellectis en 1999, il faut rendre les innovations accessibles aux patients. Et alors que l’immunothérapie par cellules CAR-T fait des miracles sur des cancers très résistants, avec 90% de guérison, le prix de cette nouvelle technologie la réserve à très peu de patients. Un problème que le spécialiste du génie génétique est peut-être en train de régler avec sa dernière innovation, la gamme UCART, et notamment le premier produit de cette approche universelle : UCART19.
Apprendre aux cellules à attaquer la tumeur
Jusqu’ici, ce type de traitement consiste à apprendre aux cellules du système immunitaire à attaquer la tumeur cancéreuse pour l’éliminer. Des cellules immunitaires qui ont été modifiées par édition génétique et rebaptisées cellules CAR-T. Mais greffer des cellules immunitaires étrangères à un patient est dangereux, elles risquent de considérer toutes les cellules de son corps comme des ennemis à détruire, ce qui revient à le tuer. Pour éviter cet effet dévastateur, les premiers laboratoires lancés dans la thérapie CAR-T, comme Novartis ou Juno, sont obligés de prélever les cellules immunitaires du patient et de les traiter à l’extérieur de son corps pour leur apprendre à s’attaquer au cancer dont il souffre. Un traitement individuel et sur mesure qui coûte très cher : 200.000 à un million de dollars.
Face à ce prix, les guérisons obtenues par cette forme d’immunothérapie restent rares, on les estime à moins de deux cents dans le monde. Et c’est pour trouver un effet d’échelle à cette thérapie prometteuse que le génie génétique de Cellectis a soumis ces cellules de défense immunitaire à ses chirurgiens de l’ADN, dès 2010. Objectif : les rendre dociles afin qu’elles n’attaquent que les cellules cancéreuses et laissent les cellules saines tranquilles. Avec de telles armes anti-cancer, il serait possible de soigner de nombreux patients sans risque.
Une première, la guérison de la leucémie
En novembre dernier, les premières cellules CAR-T développées par Cellectis, appelées UCART19, ont prouvé leur efficacité avec la guérison d’une petite fille de onze mois atteinte d’une leucémie qui résistait à tous les traitements. Une première réalisée à Londres, qui a fait du bruit et pourrait permettre de rendre cette immunothérapie CAR-T accessible à de nombreux patients.
Les laboratoires Servier ont exercé leur option sur ce produit dans le cadre de l’accord qui les lie à Cellectis. En 2014, Pfizer avait déjà acquis 10% du capital de la biotech et versé 80 millions de dollars pour tester ses candidats médicaments. Ceux-ci pourront bénéficier de l’effet d’échelle avec leur édition génétique et devraient donc être commercialisés à des prix bien moins élevés que les thérapies actuellement proposées.
Pour André Choulika, cette nouvelle thérapie est la troisième grande découverte de sa carrière. Véritable multi-novateur, ce jeune quinqua, docteur en virologie moléculaire, a été l’un des pionniers du génie génétique. Après ses premières années à l’Institut Pasteur, le Franco-Libanais s’est lancé dans la création d’entreprise, ce qui est pour lui une des plus grandes aventures de la vie. Et il a été très bien inspiré : depuis sa création, Cellectis s’est fait remarquer par ses bonnes idées.
Diversification dans l’agronomie
Après la découverte du premier scalpel moléculaire méganucléase avant la mise au point de lames biologiques bien plus précises baptisées TALEN®, l’entreprise basée à Paris et à New York a beaucoup progressé. Entrée en Bourse en 2007 et au Nasdaq l’an dernier, elle est aujourd’hui l’un des grands noms de l’édition génétique.
Cellectis affiche un chiffre d’affaires de 56,4 millions d’euros pour 2015, contre 29,2 millions en 2014. Implantée à Paris et à New-York avec 91 salariés, la biotech annonce avoir de quoi se financer jusqu’en 2018. Avec son modèle économique fiable, elle capitalise sur son expertise génétique en diversifiant ses activités. Depuis quelques années, elle s’est lancée dans l’agronomie avec la mise au point de légumes génétiquement modifiés pour en améliorer les qualités nutritionnelles, dans un objectif de santé. Actuellement, l’entreprise met au point un blé à très faible teneur en gluten. Au vu de la mode des régimes sans gluten, ce pourrait être une nouvelle bonne idée.