La population allemande a fortement augmenté en 2015. Selon les premières estimations de Destatis, l’Office fédéral des Statistiques, l’Allemagne comptait à la fin de l’année dernière 81,9 millions d’habitants, soit pas moins de 700.000 de plus qu’un an plus tôt. Cette hausse de 0,86 % est un record depuis 1992, soit 23 ans. C’est donc peu dire si cette progression est un événement outre-Rhin, alors que les démographes s’inquiètent fortement de l’avenir démographique du pays.
Solde migratoire record
La clé de cette progression est évidemment l’arrivée massive de réfugiés dans le pays, une arrivée qui s’est accélérée après le mois de septembre, lorsqu’Angela Merkel a annoncé sa volonté d’accueillir les réfugiés. Pour 2015, Destatis prévoit en effet un solde migratoire (différence entre les entrées et les sorties du territoire) de 900.000 personnes, ce qui semble cohérent avec le chiffre d’arrivée de réfugiés compris entre 1 million et 1,1 million d’habitants. Là aussi c’est un chiffre très élevé, un record pour l’Allemagne réunifiée qui avait connu en 1992 un solde migratoire de 800.000 personnes. En 2014, ce solde était de 550.000.
Les naissances en petite progression, mais à un niveau historiquement élevé
En revanche, le solde naturel (différence entre les naissances et les décès) demeure largement négatif. Certes, le nombre de naissance semble confirmer sa reprise. En 2014, l’Allemagne avait connu 715.000 naissances, et, pour la première fois depuis 2004, ce chiffre repassait au-dessus de la barre des 700.000. L’indice de fécondité allemand s’était ainsi nettement amélioré, à 1,47 enfant par femme, contre 1,42 en 2013. En 2015, cette amélioration devrait se confirmer avec un nombre de naissances estimé par Destatis entre 705.000 et 730.000.
Forte hausse des décès
Pourtant, cette amélioration n’est pas suffisante pour se refléter sur le solde naturel. Le nombre de décès devrait en effet se dégrader considérablement en 2015 pour des raisons qui restent à éclaircir. L’Allemagne aurait ainsi connu entre 905.000 et 930.000 décès l’an passé, contre 868.356 en 2014. Si ce chiffre est confirmé, il indiquerait le passage, pour la première fois depuis 1991 du nombre des décès au-dessus de 900.000. Cette hausse des décès devrait amener le déficit des naissances à être compris entre 190.000 et 215.000. Depuis 1950, le déficit des naissances n’a dépassé que deux fois la barre des 200.000 : en 1975 (207.239) et en 2013 (211.756). C’est dire si le solde naturel de 2015 est un mauvais chiffre. Et donc, c’est dire si l’arrivée de migrants est un salut pour la démographie allemande.
Retour en 2009
Reste qu’il convient de ne pas exagérer cet impact. Avec 81,9 millions d’habitants, l’Allemagne retrouve son niveau de population de 2009. Mais le nombre d’Allemands demeure encore inférieur au point haut de la population atteint en 2002, à 82,54 millions d’habitants. Il est vrai que, compte tenu du rythme d’arrivée des réfugiés, ce record est sans doute menacé dans les prochaines années. Mais il convient de rester prudent pour plusieurs raisons.
Berlin prête à durcir son droit d’asile
D’abord, il est difficile d’évaluer si ce flux de réfugiés va demeurer élevé. Le gouvernement fédéral, soumis à une forte pression de l’opinion dans ce sens, s’efforce ainsi de réduire le nombre des arrivées. Angela Merkel cherche ainsi à tarir ce flux « à la source », en Turquie ou en Grèce, sans succès jusqu’ici et à répartir les arrivées entre les pays de l’UE, en vain également pour l’instant. Par ailleurs, Berlin va durcir son droit d’asile en allégeant les procédures et facilitant les reconduites à la frontières. Le regroupement familial sera durci et le nombre de pays « sûrs » ne donnant pas droit à une demande d’asile sera élargi, après les pays des Balkans orientaux, à l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Turquie. L’Allemagne va donc tenter de contenir les arrivées et de faciliter les départs. Le chiffre de 2015 pourrait donc ne pas se renouveler.
Le problème démographique allemand demeure
Sur le plan démographique, la question demeure de savoir, par ailleurs, si le chiffre des décès de 2015 était anormal ou s’il est la traduction naturelle du vieillissement de la population. Cette deuxième option est la plus probable et il est possible que ce soit l’amélioration du déficit de naissances en 2014 qui constitue une „anormalité.” Dans ce cas, le solde naturel pourrait continuer à se creuser, faisant peser une tendance négative lourde sur l’évolution démographique. Dans ses prévisions de population d’avril dernier, Destatis avait établi des projections avec un solde migratoire moyen de 230.000 personnes d’ici à 2060. Ce chiffre est certes faible en comparaison de ceux de 2014 et 2015, mais il s’agit d’une moyenne sur 46 ans, ce qui, en réalité, dénote une variante avec une immigration régulière et forte. Dans ce cas, pourtant, la population allemande ne serait plus que de 73,1 millions d’habitants en 2060, soit 8,8 millions d’habitants de moins qu’aujourd’hui, malgré l’arrivée totale nette de 10,75 millions d’habitants !
Même dans la variante la plus optimiste où cette forte immigration s’accompagnerait d’une remontée de l’indice de fécondité à 1,6 et d’une très forte appréciation de l’espérance de vie moyenne à 86 ans pour les hommes et 90 pour les femmes, la population allemande ne serait en 2060 que de 78,6 millions, dont 37,6 % de plus de 60 ans ! Cette hausse de la population de 2015 ne règle pas réellement le problème démographique de fond de l’Allemagne.