Compagnie aérienne française la plus rentable au cours de ces dernières années, Air Caraïbes a doublé ses bénéfices en 2015. À l’avenir, la compagnie va devoir composer avec une compagnie-soeur, French Blue, une low-cost long-courrier que lancera cet été son actionnaire, le groupe Dubreuil.

C’est avec un beau matelas financier que le Groupe Dubreuil entame une nouvelle étape de sa longue histoire dans le transport aérien.

Alors que le groupe vendéen lance cet été une low-cost long-courrier française, French Blue, qui constituera parmi ses multiples activités (distribution automobile, produits pétroliers, matériels agricoles ou BTP…), sa deuxième compagnie aérienne aux côtés d’Air Caraïbes, celle-ci ne s’est jamais aussi bien portée.

„L’année 2015 a été exceptionnelle”, explique à La Tribune Marc Rochet, le président du directoire d’Air Caraïbes, également président de French Blue.

Sept millions d’euros pour les salariés

Seule compagnie française à être restée dans le vert pendant les années de crise et de cherté du pétrole (sauf en 2011), Air Caraïbes a profité de l’accalmie des cours de l’or noir en 2015 pour pulvériser son record de rentabilité et afficher son dixième résultat positif en 11 ans.

Son bénéfice d’exploitation a quasiment doublé l’an dernier à 41,9 millions (malgré les pertes enregistrées sur le réseau régional) pour un chiffre d’affaires en hausse de 6% à 378 millions d’euros. Le résultat net s’élève à 19,4 millions d’euros, contre 9,8 millions en 2014. Conformément à la règle de calcul négociée il y a trois ans avec les syndicats pour déterminer l’intéressement distribué aux salariés, la compagnie va reverser 7 millions d’euros à ses 850 salariés. Ceux qui sont actionnaires recevront par ailleurs un dividende en hausse de 96%.

Gains de parts de marché entre la métropole et les Antilles

Si, comme tous les opérateurs, la compagnie a profité de la baisse de sa facture carburant, elle a également enregistré une belle année commerciale avec une hausse du trafic de 3%, à 1,265 million de passagers transportés. Cette croissance est tirée par l’activité long-courrier qui a vu sont trafic entre la métropole et les Antilles augmenter de 5,3%, à 905 millions de passagers. Ce rythme lui a permis de gagner encore 2 points de parts de marché (essentiellement arrachés à Air France), lesquelles atteignent désormais 33% entre la métropole et la Martinique et la Guadeloupe. La hausse est du même ordre sur Cayenne où Air Caraïbes détient désormais 39% du marché.

Baisse de la recette unitaire

Pour 2016, „les perspectives sont bonnes” selon Marc Rochet, avec des résultats qui s’annoncent encore très bons même s’ils ne seront peut-être pas aussi élevés qu’en 2015 en raison notamment de la forte baisse de la recette unitaire observée depuis le début de l’année. Avec le recul de la facture carburant, les opérateurs baissent leurs prix. Entre janvier et fin avril, la recette unitaire d’Air Caraïbes a chuté de 6%. Néanmoins, explique Marc Rochet les „engagements pour les prochains mois sont corrects.” La compagnie ajoute de la capacité cet été et espère grappiller encore quelques points de parts de marché.

Avec French Blue, la flotte long-courrier doublera en deux ans

Si Air Caraïbes ne s’est jamais aussi bien portée, la compagnie n’en est pas moins à un tournant de son histoire. Elle devra désormais cohabiter avec sa petite sœur French Blue. Le lancement de cette dernière permettra au groupe Dubreuil de doubler la taille de son pôle aérien long-courrier d’ici à deux ans dont la flotte passera de 5 gros-porteurs aujourd’hui à 10 en 2018.

Pour autant, le projet a fait des vagues au sein des syndicats.  Ces derniers ont déclenché une grève en avril pour s’opposer à un schéma qui, selon eux, attribuait l’essentiel de la croissance des prochaines années à French Blue en faisant courir le risque d’un transfert d’activité à terme.

Après les journées de grève qui ont coûté 3 millions d’euros à la compagnie, la direction a changé son fusil d’épaule en rééquilibrant la croissance entre les deux compagnies.

Au cours des deux prochaines années, Air Caraïbes va ainsi passer de 5 gros-porteurs à, non plus 6 comme annoncé en mars, mais 7 appareils avec la livraison de deux Airbus A350 fin 2016, tandis qu’au cours de la même période, French Blue prendra livraison de trois avions (un A330-300 le 28 juin 2016, puis un A350 début 2017 et un autre début 2018) et non plus de quatre, comme prévu initialement. Cette croissance va générer au total 450 embauches en deux ans.

Air Caraïbes ouvrira Paris-Cuba en décembre

Par ailleurs, la direction s’est engagée à ce que le secteur „Caraïbes soit à terme un secteur pour Air Caraïbes”, quand French Blue ira chasser dans l’Océan Indien, La Réunion et l’Île Maurice (sous réserve de renégociation entre la France et l’Île Maurice sur de nouveaux droits de trafic). Même si la low-cost du groupe ira néanmoins se poser Punta Cana, en République dominicaine, dès septembre prochain, „Air Caraïbes a la légitimité” pour rayonner dans le secteur. C’est d’ailleurs elle qui ouvrira Cuba (La Havane) le 15 décembre prochain à raison de deux vols hebdomadaires.

Renégociation des accords pour augmenter la productivité

En échange, Marc Rochet a demandé aux salariés de nouveaux efforts pour réduire les coûts unitaires d’Air Caraïbes qui augmentent de 3% an. Des négociations sont en cours pour notamment augmenter la productivité du personnel. Marc Rochet espère les achever d’ici à septembre.

Pour les navigants, l’objectif de la direction est de passer de 750 heures de vol par an à 800, à rémunération constante. À cela s’ajoute la révision du point d’entrée dans la grille salariale des navigants.

Au-delà des coûts du personnel, la direction a revu tous les postes de coûts. Les contrats de la maintenance (elle sera désormais effectuée par Air France Industrie), du catering ou d’Amadeus ont par exemple tous été renégociés à la baisse.

Marc Rochet vise des coûts unitaires encore plus bas pour French Blue, lesquels devraient être inférieurs de 10% à ceux d’Air Caraïbes en tenant compte de l’effet de la plus grande densification des avions (les A330 de French Blue disposeront de 378 sièges contre 355 chez Air Caraïbes). Les salaires à l’embauche pourrait être inférieurs à ceux d’Air Caraïbes. L’atteinte de cet objectif est nécessaire pour pouvoir proposer des prix inférieurs d’au moins 10% par rapport à l’offre actuelle comme la direction l’a promis.

Les 10 gros porteurs pourront-ils tous aller à Orly?

Pour autant, le développement d’ici à 2018 d’Air Caraïbes et de French Blue aura du mal à s’effectuer en totalité au départ de l’aéroport d’Orly. En raison du plafonnement de l’aéroport à 250.000 mouvements, les créneaux horaires de décollage et d’atterrissage sont en effet distribués au compte-gouttes.

Si d’aventure, le groupe Dubreuil ne pouvait disposer des créneaux suffisants, une partie de l’activité de son pôle aérien devra forcément s’effectuer au départ de Roissy.

Enfin, contrairement au long-courrier, l’activité régionale est dans le rouge. Pour la relancer, la compagnie a réduit de 25% les prix pour susciter une augmentation du trafic. Côté flotte, elle va remplacer trois ATR 72 par trois ATR-72-600.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-caraibes-explose-ses-resultats-avec-des-benefices-record-569880.html