Une perte colossale de près de 5 milliards d’euros, un jeune trader apparemment seul contre tous… Dès son origine, il y a huit ans, l’affaire Kerviel concentrait tous les ingrédients susceptibles d’en faire un grand feuilleton judiciaire et médiatique. Cela n’a pas raté, et ces derniers jours ont apporté leur lot de nouveaux rebondissements et de suspens. Jérôme Kerviel, cet ancien trader de la Société générale accusé d’avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros à la banque en prenant des positions très risquées sur les marchés, devra patienter jusqu’au 21 mars pour savoir si la commission d’instruction de la Cour de révision fera un premier pas dans le sens d’une révision de son procès. Ce lundi 18 janvier s’est en effet déroulée au palais de justice de Paris, durant près de deux heures, une audience à huis clos devant la commission d’instruction de la Cour de révision, audience à laquelle ont assisté Jérôme Kerviel, ses avocats, et ceux de la Société générale. Avant une éventuelle transmission du dossier à la Cour de révision par la commission d’instruction, l’avocat général a requis un sursis à statuer, afin de laisser le temps à la justice d’examiner un témoignage clé apporté par Jérôme Kerviel.
Le témoignage en question est celui de Nathalie Le Roy, une policière de la Brigade financière qui avait été en charge de l’enquête, et qui affirme à nouveau dans l’édition de dimanche du quotidien 20 Minutes que celle-ci « a été manipulée par la Société générale. » Une version corroborée par Chantal de Leiris, ancienne vice-procureure de Paris, dans un enregistrement réalisé à son insu par Nathalie Le Roy en juin dernier, et dont des extraits ont été dévoilés dimanche 17 janvier par le site d’informations Mediapart. Evoquant les risques très importants pris par Jérôme Kerviel sur les marchés avant que l’affaire n’éclate, en janvier 2008, Chantal de Leiris affirme que « la Société générale savait, c’est évident. » C’est cette thèse que Jérôme Kerviel soutient depuis huit ans.
Le volet civil jugé à partir de mercredi à Versailles
« L’heure va venir, pour ceux qui ont manipulé ce dossier, de rendre des comptes », a prévenu lundi David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, devant une forêt de micros et de caméras, comme aux plus grandes heures de l’affaire Kerviel. Dénonçant« un rapt de la justice par la Société générale », David Koubbi a fait part de son intention d’écrire à nouveau à Christiane Taubira, la garde des Sceaux, afin de lui « demander de faire le ménage au sein de son institution, de mettre un terme à des dysfonctionnements insupportables. » De son côté, la Société générale continue d’affirmer qu’elle n’a jamais rien su des agissements de son ancien trader. Lundi, la banque a ainsi dénoncé dans un communiqué de « pseudo-révélations » et « une nouvelle manipulation médiatique », rappelant que la justice a eu « à trois reprises à apprécier la culpabilité de Jérôme Kerviel. »
Le fait est que l’ancien trader avait été condamné à cinq ans de prison, dont trois ferme, et à 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts, en première instance en 2010, puis en appel en 2012. Une condamnation à trois ans de prison ferme confirmée en mars 2014 par la Cour de cassation, mais la plus haute juridiction française avait en revanche rejeté les 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts, estimant que la Société générale avait failli dans ses mécanismes de contrôle. Ce volet civil de l’affaire – les dommages-intérêts – fait l’objet d’une procédure distincte, et doit être jugé à nouveau à partir de mercredi devant la Cour d’appel de Versailles.
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