Après des mois de négociations, de relectures, de réécriture, la mouture définitive du projet de Loi Travail ne tiendra donc compte de quasiment aucun des amendements parlementaires, en raison de l’utilisation du fameux „49-3” de la Constitution qui permet l’adoption d’un texte sans vote. Voici donc les grandes lignes du projet de loi porté par Myriam El Khomri… avant son passage au Sénat où il sera détricoté… avant que l’Assemblée nationale n’ait de toute façon le dernier mot.
Le licenciement économique facilité?
Les entreprises de moins de 11 salariés pourront „réajuster” leurs effectifs si elles justifient une baisse de leur chiffre d’affaires pendant un trimestre seulement. Entre 11 et 50 salariés, l’entreprise devra déplorer deux trimestres de baisse du chiffre d’affaires, trois trimestres consécutifs entre 50 et 300 salariés, et quatre trimestres au-delà de 300 salariés.
Pour les filiales française des groupes internationaux, autre sujet épineux, le gouvernement a finalement accepté que ce soit le chiffre d’affaires mondial qui soit pris en compte pour apprécier la situation économique de la branche française, alors que le patronat réclamait que le périmètre soit réduit à la seule France.
Sur les CDD, le gouvernement préserve le patronat
Il n’y aura pas de surtaxation des CDD, comme l’avait pourtant annoncé le gouvernement. Ou du moins, celle-ci ne devient pas obligatoire. On en revient donc aux termes de la loi Emploi de 2013 qui autorise, s’ils le souhaitent, les partenaires sociaux à moduler le taux de cotisation à l’assurance chômage en fonction de la nature et de la durée des contrats. Cette modulation ne reste donc que facultative, elle relève de la négociation entre partenaires sociaux sur l’assurance chômage actuellement en cours.
Le référendum d’initiative syndicale maintenu
La CGT et FO étaient vent debout contre cette mesure. Mais le gouvernement n’a rien lâché sur la possibilité dans une entreprise de recourir à une consultation interne des salariés pour valider un accord d’entreprise.
La règle est désormais la suivante. Un accord d’entreprise sera considéré comme valide dans deux cas. Soit l’accord est signé par des syndicats représentant au moins 50% des salariés, soit il est conclu par des syndicats ne représentant que 30% des salariés mais ces organisations ont alors le droit d’organiser un referendum auprès des salariés. Et si une majorité des salariés approuvent l’accord, alors celui-ci sera considéré comme valide… même si des syndicats représentant 50% des salariés ne l’ont pas conclu.
Pour certains syndicats, cette mesure sera une façon de contourner la représentation syndicale majoritaire, tandis que le gouvernement argue qu’elle doit permettre de débloquer le dialogue social.
L’accord offensif sur l’emploi
Une entreprise pourra, en cas d’appel d’offres, imposer un temps de travail spécifique et une nouvelle organisation du travail. En revanche, elle ne pourra pas modifier le salaire mensuel. Les salariés récalcitrants pourront faire l’objet d’un licenciement individuel pour motif économique.
Temps de travail : l’accord d’entreprise prime
Le gouvernement renonce finalement à instaurer un „droit de véto” au profit des branches à l’encontre d’accords d’entreprise qui dérogeraient trop à une règle instituée par une branche. Il ne restera qu’un simple „droit de regard”. Concrètement donc, notamment en matière de temps de travail, une entreprise pourra conclure un accord d’entreprise dérogatoire à un accord de branche et pas seulement dans un sens plus favorable aux salariés… Par exemple, si un accord de branche fixe le taux de bonification des heures supplémentaire à 20%, une entreprise pourra abaisser ce niveau sans pour autant aller en deçà de 10%. Le principe de „faveur” ne jouera pas. Autrement dit, le salarié ne pourra pas invoquer le fait que l’accord de branche lui soit plus favorable.