Le vote contre l’arrivée des Boeing 787 à Air France des représentants l’Etat au conseil d’administration d’Air France-KLM du 3 mai a fait du bruit en interne et dans certains ministères.
Cette opposition à une décision de la direction au motif qu’elle donnait un signal trop favorable à des pilotes qui rechignent à faire des efforts supplémentaires s’inscrit dans un débat bien plus large qui divise le conseil d’administration du groupe : celui de la mise en place ou pas d’un plan de réduction de capacités pour mieux rebondir par la suite comme l’ont faitBritish Airways au début des années 2000 ou Iberia ces dernières années. Autrement dit celui de la mise en place du fameux „plan B”, ce plan d’attrition du périmètre de la compagnie, dont la version annoncée en octobre, après un premier échec des négociations sur des mesures de productivité avec les pilotes, avait mis le feu aux poudres chez les salariés, furieux des 2.900 suppressions de postes prévues en 2016 et 2017 qu’engendrait la baisse des capacités long-courriers de 10% en (-3% la première année, -7% la deuxième).
Le blocage avec les pilotes persiste
Avec la signature d’un accord garantissant l’absence de tout départ contraint chez le personnel au sol
reprise des négociations avec les pilotes mi-janvier et le retour aux bénéfices d’Air France après sept ans de pertes, plus personne ne parlait de ce „plan B”. A tel point que certains pensaient qu’il n’était plus d’actualité, oubliant trop rapidement que l‘hypothèse de son abandon par la direction était conditionnée par la signature d’accords sur des mesures de productivité.
Le SNPL n’ayant pas signé les propositions de la direction qui étaient ouvertes à la signature jusqu’au 2 mai, plusieurs administrateurs, dont les trois représentants l’Etat, les Hollandais et certains indépendants, ont dès le lendemain remis le sujet du „plan B” sur la table du conseil, alors qu’il n’était pas à l’ordre du jour. Ces administrateurs ont rappelé que le principe d’un tel plan avait fait l’objet d’un mandat donné à la direction en cas d’absence d’accords avec le personnel. Ils l’ont justifié en soulignant que l’amélioration de la performance d’Air France restait insuffisante notamment pour supporter un retournement de cycle.
Débats houleux au conseil
Selon plusieurs témoignages, les débats ont été vifs. Ils ont porté sur le lancement ou pas de ce plan, de son périmètre s’il était lancé, sachant que dans cette hypothèse, il serait probablement moins intense que celui envisagé en octobre du fait de l’amélioration des comptes d’Air France. Le débat a également porté sur sur la date limite pour trancher (probablement l’automne). In fine, le conseil a donc décidé d’attendre. Notamment pour permettre au nouveau PDG du groupe, Jean-Marc Janaillac, d’avoir son mot à dire sur le sujet. Ce dernier ne prendra officiellement ses fonctions qu’en juillet. A moins d’un an de l’élection présidentielle, certains observateurs sont sceptiques sur la capacité du groupe à prendre de telles mesures.
Plan allégé par rapport au plan B de l’an dernier
Aujourd’hui, un tel plan, même allégé, risquerait de faire des vagues chez les salariés alors qu’un plan de départs volontaires (PDV) est déjà en cours. Il susciterait l’incompréhension dans la mesure où, grâce à la baisse de la facture carburant, les objectifs financiers pour Air France qui justifiaient à l’époque le recours au „plan B” (ou même la signature d’accords de productivité) ont de fortes chances d’être atteints dès cette année (avec un an d’avance) sans effort supplémentaire. Pour rappel, la direction d’Air France indiquait l’an dernier viser un résultat d’exploitation de 740 millions d’euros en 2017. En 2015, a compagnie française a déjà dégagé 462 millions d’euros de bénéfices.
La question de la compétitivité d’Air France reste posée
Sans aller jusqu’à l’attrition du réseau et la flotte de la compagnie, la compétitivité d’Air France et la mise en place de nouvelles économies restent toujours des sujets. Sans nouveaux efforts, Air France redeviendra vulnérable à la première remontée du prix du baril. Même s’il a réduit l’écart avec ses concurrents, Air France-KLM reste encore loin derrière en termes de compétitivité. Et risquera de perdre encore du terrain par rapport à ses concurrents du terrain si ses concurrents redonnent un coup d’accélérateur, comme certains le prédisent. Notamment British Airways.
Nouveau coup d’accélérateur de British Airways?
Certains analystes tablent sur l’annonce à l’automne d’un plan d’économies concernant la compagnie britannique, membre du groupe IAG aux côtés d’Iberia, Vueling et Aer Lingus.
„Après s’être focalisé sur Iberia et (un peu) Vueling ces dernières années, IAG doit se concentrer sur BA où il peu de choses ont été réalisées sur les coûts depuis 5 ou 6 ans alors que la compagnie est confrontée à la robustesse des compagnies américaines sur l’axe transatlantique sur lequel elle réalise l’essentiel de son activité et de ses marges”, explique l’un d’eux. Et d’ajouter : „Ils n’ont pas transféré Alex Cruz de la présidence de Vueling à celle de British Airways pour rien”, fait valoir un observateur en faisant allusion à la réputation de „cost-killer” du manager espagnol.
Bref, alors qu’il a déjà plusieurs longueurs d’avance, le groupe IAG pourrait encore creuser l’écart en profitant d’une inertie chez Air France-KLM.
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