82% des fintech britanniques souhaitent que le Royaume-Uni demeure au sein de l’Union européenne, d’après un sondage réalisé par l’association professionnelle Innovate Finance.
Mardi 26 avril, dans le cadre d’un rendez-vous hebdomadaire baptisé « Fintech Tuesday Meetup », les startups londoniennes spécialisées dans les technologies financières étaient invitées à débattre des conséquences d’un « Brexit » sur leur activité. Un sujet qui monte en puissance, à moins de deux mois de la date du 23 juin, laquelle verra les Britanniques se prononcer en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE), ou, au contraire, voter pour sa sortie. Les fintech britanniques ont d’ores et déjà choisi leur camp : 82% d’entre elles souhaitent que le royaume de Sa Très Gracieuse Majesté reste membre de l’UE, d’après les résultats d’un sondage publiés ce mois-ci par l’association professionnelle Innovate Finance.
Il faut dire qu’un Brexit risquerait de contrarier l’ambition de Londres de demeurer la première place mondiale dans le secteur des fintech. Une couronne que lui a attribuée une récente étude du cabinet EY : avec un total de 6,6 milliards de livres sterling (8,5 milliards d’euros) de revenus réalisés en 2015, les fintech londoniennes devancent leurs concurrentes new-yorkaises et californiennes. Mais d’une courte tête, les premières pesant 5,6 milliards de livres de chiffre d’affaires, et les secondes, 4,7 milliards. Pas étonnant, donc, que Mark Boleat, président du comité des politiques de la corporation de la City, ait récemment exhorté les fintech britanniques à peser de tout leur poids dans les débats sur le Brexit.
Le problème du passeport européen
Si ces dernières, du moins celles spécialisées dans les services de paiement, redoutent une sortie du Royaume-Uni de l’UE, c’est d’abord parce que cela leur compliquerait la tâche sur le plan réglementaire et, partant, freinerait leur expansion internationale. En effet, grâce à la directive européenne sur les services de paiement, tout prestataire de services de paiements agréé dans un pays de l’UE l’est également dans les autres Etats membres, en vertu du « passeport européen. » Cet accès simplifié aux quelque 500 millions de consommateurs de l’UE représente un atout de taille, compte tenu de l’importance des effets de volumes pour des métiers où les transactions sont souvent de faibles montants.
« Le Brexit signifierait plus de travail au niveau réglementaire et légal : à l’heure actuelle, nous sommes agréés par la FCA (Financial Conduct Authority, le gendarme financier britannique) et nous portons cette licence dans d’autres pays européens. Mais, demain (en cas de Brexit), nous devrons peut-être obtenir aussi une licence dans un pays restant dans l’UE, comme la France ou l’Allemagne. Cela n’apporterait aucune valeur ajoutée pour nos clients, car nous dépenserions beaucoup de temps et d’énergie à refaire ce qui est déjà en place »,
témoigne Octave Auger, directeur Europe au sein de la fintech londonienne GoCardless, spécialisée dans les prélèvements Sepa. Arnaud Pince, du cabinet d’avocats De Pardieu Brocas Maffei, se veut rassurant : « Tout dépend du statut que le Royaume-Uni négociera avec Bruxelles. En cas d’accord de libre-échange similaire à celui conclu par la Norvège, laquelle est intégrée à l’espace économique européen, le passeport européen demeurera valable. »
Interrogations sur la capacité à attirer les meilleurs talents
Un autre point inquiète les fintech britanniques : seront-elles capables de continuer à attirer les meilleurs talents de toute l’Europe, en cas de Brexit, avec ses conséquences sur la libre circulation des personnes ? La question est d’importance car près d’un quart des fintech membres de l’association professionnelle Innovate Finance sont dirigées par des patrons originaires d’Europe Continentale, à l’image de Taavet Hinrikus et Kristo Käärmann, les jeunes Estoniens qui ont fondé TransferWise. « L’accès aux meilleurs talents est la préoccupation première des entreprises technologiques. Or Londres crée des emplois à un rythme si rapide que les embauches de citoyens Britanniques ne suffisent pas à combler les besoins », écrit Russ Shaw, fondateur du réseau d’entrepreneurs Tech London Advocates, dans une tribune publiée sur le site techcityinsider.net.
« Londres attire énormément de gens venant du monde entier, ce qui est un atout majeur pour recruter, notamment dans le cadre d’un développement international. Le Brexit nous compliquerait la tâche pour recruter et conserver nos talents, ce qui représente l’un des challenges majeurs pour une startup », renchérit Octave Auger.
« Beaucoup d’Indiens, d’Australiens et d’Américains travaillent dans la fintech à Londres. Or ces nationalités entretiennent des liens particuliers avec le Royaune-Uni », nuance Jeremy Grant, associé chez De Pardieu Brocas Maffei. Il n’empêche, Octave Auger n’exclut pas qu’en cas de Brexit, GoCardless se dote d’un deuxième quartier général, en Europe Continentale, en plus de son implantation londonienne, mais « sur le long terme. » Une réflexion partagée par sept fintech britanniques sur dix, d’après un sondage réalisé début mars par l’agence Reuters. Mais pour aller où ? « Peut-être à Dublin ou à Luxembourg, pour la question de la langue », suggère Jeremy Grant. Pour qui Paris ou Francfort semblent donc plus improbables.
Forrás: http://www.latribune.fr