LA TRIBUNE – En décembre, après votre élection à la tête de la région Île-de-France, vous appeliez à « abandonner » cette idée de métropole du Grand Paris. Maintenez-vous cette affirmation ?
VALÉRIE PECRESSE — J’ai dit que la métropole allait exclure, complexifier et taxer. Les faits me donnent raison ! En effet, entre la métropole et la région, rien n’est pertinent en matière de répartition des compétences. Prenons des exemples récents : la métropole du Grand Paris vient d’organiser une conférence sur l’air, alors même qu’à la région, nous avions annoncé notre plan sur l’air quelques jours auparavant ! En effet, c’est la région qui est chef de file, d’après la loi, sur la question de l’air, car les nuages de pollution ne s’arrêtent pas aux frontières de Paris ou de la Seine-Saint-Denis.Si l’on prend un autre exemple, celui des inondations, pour lesquelles j’ai décrété un plan d’urgence. Les crues sont venues de l’Essonne et de la Seine-et-Marne, beaucoup de bassins de rétention sont en grande couronne.
Mais qui est compétent, d’après la loi, pour gérer les inondations ? La métropole. C’est un non-sens. De même, nous discutons avec la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour rapprocher le comité régional du tourisme et l’office du tourisme de Paris, pour plus de cohérence et d’efficacité. Et voilà que le législateur attribue la compétence du tourisme… à la métropole, alors que les grands sites touristiques hors Paris, Disneyland et le château de Versailles, ne sont pas dans le périmètre de la métropole. Cela bloque la simplification que nous voulons mettre en place. Heureusement, nous nous entendons très bien avec le président de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier. Mais imaginons, à plus long terme, que les futurs présidents de la région et de la métropole ne s’entendent plus et envoient des messages contradictoires… Ce serait désastreux pour l’attractivité de l’Île-de-France.
Vous ne semblez pas non plus très enthousiaste sur le périmètre de la métropole, qui se limite à Paris, aux trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et à seulement une demi-douzaine de communes de la grande couronne…
Oui, la métropole exclut la grande couronne, qui a été abandonnée en matière d’investissement depuis des années. Le périmètre choisi est incompréhensible. Allez expliquer à cinq millions de Franciliens pourquoi ils en sont exclus ! En Île-de-France, on se retrouve maintenant avec cinq niveaux de collectivités locales : les communes, les intercommunalités, la métropole, les départements et la région. On ne peut pas complexifier autant les prises de décisions. Cela coûte du temps, de l’argent et de l’énergie. Il faut coordonner l’action des différentes collectivités, et pour cela, le bon échelon est celui de la région ! À mon sens, elle doit avoir un double rôle : un rôle de stratège pour tout le territoire, et un rôle de réduction des fractures et des inégalités.
La région n’est-elle pas trop grande pour donner sens au fait métropolitain et assumer ses différents rôles ? On sait que les territoires franciliens sont particulièrement hétérogènes, socialement notamment…
Non, je pense que c’est le bon périmètre, avec ses sept millions d’habitants, la métropole du Grand Paris est d’une taille inférieure à Tokyo, aux villes chinoises, au Grand Londres, etc. Pour être attractif, c’est l’échelon régional qui s’impose avec ses 12 millions d’habitants. Avec Saclay, Marne-la-Vallée, Cergy-Pontoise et Roissy, actuellement exclus de la métropole, nous serions devant le Grand Londres dans les classements internationaux, car nous aurions plus de chercheurs, plus de puissance financière, plus de startups…
Avec le périmètre métropolitain actuel, nous sommes derrière le Grand Londres dans tous les domaines. Par ailleurs, l’idée de la métropole était révolutionnaire il y a trente ans, car il s’agissait pour Paris de prendre en compte ce qui se passait au-delà du périphérique. Mais maintenant, la réduire à Paris et à la petite couronne, c’est complètement dépassé. La démographie de la région a évolué, les villes nouvelles ont été créées en grande couronne, les bassins d’activité aussi. La plus forte dynamique d’installation des familles se situe en Seine-et-Marne, dont les communes sont exclues du périmètre métropolitain. Est-ce cohérent ? Non.
Du reste, les maires de la petite couronne perçoivent jour après jour les difficultés de cette architecture territoriale. D’autant que cette métropole, sans être élue au suffrage universel, prive les maires d’une partie de leurs compétences. La question de l’utilité de la métropole du Grand Paris est clairement posée. J’attends du futur président de la République qu’il la supprime.
Patrick Ollier argue que le gouvernement aurait dû élargir le périmètre de la région, ainsi la métropole aurait pu plus facilement trouver sa place en Île-de-France…
Le débat sur le fait que la région Île-de-France pourrait repousser ses frontières en incorporant les départements limitrophes est clos ! Le découpage territorial a eu lieu. On ne va pas le changer chaque année ! Par ailleurs, les régions voisines de l’Île-de-France seraient vent debout, car ces départements sont souvent très dynamiques. Ils profitent de leur proximité avec l’Île-de-France tout en ayant une fiscalité plus attractive que la nôtre, car ils ne sont pas assujettis aux mêmes obligations de versement transports, ni de taxe sur les bureaux, qui financent la construction du nouveau réseau de transport du Grand Paris Express. Ils n’ont donc aucun intérêt à perdre leur attractivité fiscale en rentrant dans le giron francilien.
En cas d’alternance politique en 2017, vous souhaitez donc que l’on repense l’idée de métropole du Grand Paris ?
Je le répète, cinq échelons administratifs, ce n’est pas viable, cela crée de l’irresponsabilité. Le citoyen ne sait plus qui est responsable de quoi, le contribuable ne sait plus à qui demander des comptes. Or la démocratie souffre de cette absence de transparence et l’efficacité des politiques publiques aussi. L’organisation idéale conduirait au triptyque suivant : une compétence, un impôt, une collectivité. Cela permettrait aussi la gestion des collectivités entre elles.Pour moi, vous l’avez compris, la métropole, c’est la région, il faudra donc supprimer la MGP, ce qui fera un échelon de moins.
Je souhaite également qu’on revienne au conseiller territorial, voté par la droite, et qui serait à la fois élu au département et à la région. En revanche, on garderait les communes et les intercommunalités existantes comme interlocuteurs de la région. Cette réorganisation devrait s’accompagner d’une nouvelle phase de décentralisation des compétences de l’État pour davantage de clarté et d’efficacité. Je pense notamment à la formation professionnelle, aux politiques de l’emploi, à l’environnement.
Cette nouvelle phase donnerait en quelque sorte les pleins pouvoirs aux présidents de régions ?
Comme disait Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, « le temps des gouverneurs est venu ». Je partage la même vision de la décentralisation. Aujourd’hui, les territoires ont besoin d’une vraie dynamique politique en faveur du développement économique, de l’emploi et de la cohésion. Les présidents de région élus au suffrage universel sont légitimes pour porter de tels projets. Nous sommes plus à même de réformer et de mener des politiques efficaces que l’État aujourd’hui, par exemple sur le décrochage scolaire, la formation des demandeurs d’emploi, le financement des PME…
Un dernier mot sur le Brexit, qui pourrait être une opportunité à saisir pour attirer de nouveaux investisseurs en Île-de-France…
Après le Brexit, la compétition des territoires est lancée. Ce sera nous, Francfort, Dublin ou Bruxelles. Il ne faut pas être naïf ! Nous nous tenons prêts à ce que la région Île-de-France devienne la terre d’accueil de tous ceux qui veulent rester en Europe. À tous ces investisseurs, nous disons « Welcome to Paris Region » ! Un élu local doit en quelque sorte être le VRP de son territoire et tout faire pour créer davantage de richesses et d’emplois. L’Île-de-France est extraordinairement prospère, mais c’est aussi la terre de toutes les inégalités, et notre défi c’est le retour à l’emploi de nos 700 .000 chômeurs dont beaucoup ont moins de 25 ans.
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